Deuxième volet de la "Trilogie de l'emprise" imaginée par Marc Dugain, "Quinquennat" s'avère encore plus cynique et désenchanté que son prédécesseur ("L'emprise"), qui posait déjà un diagnostic terrible sur la décrépitude de nos élites.

La forme demeure identique, avec des chapitres brefs et de très nombreux protagonistes. Sur le plan narratif, on retrouve la plupart des personnages (à part ceux qui sont morts ou exilés!) là où on les avait laissés : après avoir scellé un pacte avec Lubiak, son plus farouche rival au sein du parti conservateur, Launay est sur le point d'être élu Président de la République, face au représentant du Mouvement Patriote.

Dans ce roman à clef publié en 2015, on reconnaîtra sans peine les avatars dégénérés de certains membres éminents de la sphère politique française, à commencer par Nicolas Sarkozy dans le costume du cupide et arrogant Lubiak, magouillant avec des pays du Moyen-Orient (mais aussi Gérard Larcher, Patrick Balkany et quelques autres).

La plume fluide et incisive de Marc Dugain nous plonge au plus profond de la vérité psychanalytique de ces êtres programmés pour le pouvoir. Quel est leur moteur intime, voilà la question centrale posée par l'écrivain.

Il s'agit d'un livre profondément critique et désabusé, un réquisitoire terrible et déprimant, tant le portrait de nos dirigeants donne envie de ne plus croire en rien. En effet, Dugain ne se limite pas aux politiciens, il décrit des élites (grand patrons, haute finance, médias, services secrets,...) quasi intégralement avides et dénuées de scrupules, sinon corrompues au dernier degré.

D'ailleurs, ce n'est pas un hasard si le grand absent du livre est le peuple français, dont on évoque simplement la trop grande crédulité. Le seul personnage positif est un journaliste d'investigation, sorte de chevalier blanc à la pureté presque inquiétante, tant ses motivations intimes à lui aussi apparaissent troubles.

On pourra reprocher à Dugain cette écriture (volontairement) très manichéenne : ce parti-pris lui permet de faire preuve d'humour noir et de flirter par moment avec le grotesque (l'aveugle qui retrouve la vue, le père SDF qui réapparaît), mais on peut penser que des personnages moins extrêmes auraient favorisé une plus grande authenticité. Ainsi, le pauvre Lubiak apparaît inutilement chargé, presque inhumain de perversité.

L'autre faiblesse de "Quinquennat" est relative à sa place centrale au cœur de la trilogie, de sorte que cet opus ne connaît aucun dénouement satisfaisant. Les derniers chapitres tombent à plat, on espère vainement une chute, puis on attend simplement la suite ("Ultime partie", le troisième volet, que l'on espère aussi bon que les deux premiers).

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