Je m'attendais à voir un film dans la veine de ceux de Frederick Wiseman, qui montrerait la vie et le fonctionnement de cette petite ville centrée autour de l'équipe de football américain de son lycée. Je pensais que le film serait méticuleux, attentif, patient. Je décris ce que je projetais sur le film avant de le voir car cela explique peut-être pourquoi il m'a autant déçu.

Le seul point commun avec un film de Wiseman est l'absence de commentaire off. Il faut aussi reconnaître que le film est assez agréable à voir. On sent que le duo à la réalisation a passé du temps dans la ville, a suivi pas mal de personnages et d'activités qui rythment l'année de cette communauté. Le film dure 1h50, dans cette durée toute une année tient, ainsi que la vie de quatre lycéens. Et c'est clairement trop court. Quasiment toutes les séquences et personnages me donnent l'impression de se terminer quand elles commencent à se développer. Je n'ai jamais le sentiment d'une durée qui se déploie, de partager vraiment l'intimité des personnages ou de participer aux événements filmés (les matchs de football américains sont particulièrement frustrants de ce point de vue là).

Visiblement cette ville vit en grande partie de l'agriculture. Ces métiers-là sont à peine évoqués, ils paraissent toujours lointain. Les personnages les évoquent comme ce qu'ils ne veulent surtout pas faire. Vu que ce sont des cultures qui se font sur brulis, on voit les incendies, la fumée au loin qui parfois enserre la ville. On dirait que c'est l'enfer et que la ville est encerclé par lui. Mais pourquoi on ne le saura jamais. Cette fumée a seulement une fonction symbolique dans le film. Lorsque l'équipe est dépossédée de son titre pour une raison administrative, la bande image est constituée de plan sur cette fumée. Ca me gêne que ce film qui veut montrer beaucoup de choses de la vie dans cette ville laisse de côté cet élément assez central.

Une autre grosse frustration face au film est qu'il ne fait pas grand chose de la façon dont les gens, le lycée et la ville se mettent en spectacle. L'élection de la miss du lycée, le bal de fin d'année, l'annonce par certains joueurs de l'équipe de football de l'université qui les a recruté et en enfin la remise de diplômes, tout est spectacle, mise en scène. Les discours qu'ils font ressemblent à s'y méprendre à ceux de personnages de lycéens dans une série ou de sportifs passant à la télévision. Même lorsqu'ils utilisent des vidéos faites par les lycéens avec leur téléphone ils n'en tirent pas grand chose. Parfois c'est utilisé comme les moments confessionnal d'une émission de télé-réalité, parfois le moment aurait pu être filmé par les réalisateurs mais comme ils n'étaient visiblement pas là, ils ont utilisés les archives personnelles de leurs participants. Il y avait vraiment quelque chose à faire de ce rapport à la mise en scène de soi mais rien de particulier n'en ressort.

Au final, Pahokee est un film assez agréable à voir, mais qui donne l'impression de ne pas avoir de point de vue. Tout ou presque est documenté superficiellement, mais l'ensemble manque de corps, de teneur. J'ai eu l'impression qu'il manquait la moitié du film. Comme si on leur avait dit que le film était trop long et qu'au lieu de couper certaines séquences ou personnages, ils avaient décidé de réduire de moitié chaque séquence et chaque personnage. Tout a l'air trop court, superficiel. Une fois achevée la vison du film, j'ai repensé à la série Friday night lights. C'est une pure fiction, qui opérait des raccourcis bien plus tranchés que ceux de ce film, et pourtant elle me donnait le sentiment de plus connaître la petite ville du sud des Etats-Unis où elle se déroule, qui tout comme Pahokee vit autour de son équipe de football américain, ainsi que ces habitants. Etonnant comme la fiction a parfois des accents de vérité plus grands qu'un film voulant montrer la réalité sans fard.

Activité sur Pahokee, une jeunesse américaine