Ce livre est un témoignage invraisemblable d'un reporter français, parti bourlinguer dans les années 50 en Afrique de l'est, allant du Kenya à l'Ouganda, passant par le Tanganiyka (actuellement Tanzanie) et Zanzibar, nous décrivant ce qu'il voit, à travers ses yeux d'européens. Malgré quelques réflexions tirées de son époque, Kessel arrive à s'éloigner des clichés coloniaux pour livrer un récit fascinant, empreint d'empathie envers cette nature sauvage, sans concession.

Il nous décrit de manière envoutante les animaux rencontrés (qui d'ailleurs inspireront son livre "Le Lion" ), leurs rapports à la nature, leurs relations avec les humains (avec l'histoire des Lions de Taberer) à travers une vision quasi divine pour les tribus ancestrales.

Mais le récit prend une dimension encore plus intéressante lorsqu'il décrit les Hommes, aussi bien natifs qu'émigrés (britanniques, français, belge, ....). On rentre dans la révolte des Mau-Mau au Kenya, mouvement insurrectionnel d'une immense tribu local envers le régime colonial britannique, au travers de massacres et d'assassinats scellés au travers d'un serment intransigeant :

" Si je révèle au gouvernement ou à n'importe quel Européen les actions Mau-Mau - que ce serment me tue.

Si je donne quelque information sur un membre de cette société - que ce serment me tue.

Si je prête secours à un Européen - que ce serment me tue.

Si je n'aide pas à chasser les Européens du Kenya - que ce serment me tue.

(...) "

On découvre ensuite les Kikuyu, les grands Watutzi avec leurs Rois et leurs guerriers, leurs traditions et leurs rites. S'en suit une rencontre avec des personnages formidables, ayant chacun vécus une dizaine de vies : le vieux Wally et tous ces safaris, le comte d'Errol et son aventure romanesque avec lady Diana et toute l'affaire qui s'en suit, Charles de l'Epine et ses mille et une histoires de chasse...

A travers tout le récit, Kessel observe l'arrivée inéluctable de la civilisation, ses effets ravageurs sur toutes ces cultures multiséculaires, disparues à jamais :

"Le fait particulier, pathétique, poignant, de ce pays était que le passé légendaire se décomposait pour ainsi dire sous mes yeux. Nulle part au monde n'avaient existé, aussi proches, aussi tangibles dans le temps, une telle grandeur et une telle beauté séculaires. Nulle part leur ruine n'avait été aussi rapide."

Arrivé à la fin de ce témoignage, on a qu'une envie, partir sur la piste fauve ...

Ô grands lacs !

Ô vertes collines !

Ô vallée du Rift !

Ô pistes fauves !

Afrique

Activité sur La piste fauve