C'est une constante aussi vieille que la philosophie elle-même: l'ignorance engendre des croyances irrationnelles, des maux, des vices. De Platon à Condorcet, des Lumières à notre époque, la réponse est souvent: l'éducation, rendue plus nécessaire dans une démocratie.

L'intérêt principal de l'ouvrage de Gérald Bronner est là: l'éducation ne suffira pas, malgré ses vertus. D'ailleurs beaucoup de théories absurdes, voire dangereuses ont été soutenues d'abord par des personnes cultivées parce que leurs connaissances leurs permettaient d'accepter l'incongru - du canular sur la lune au spiritisme - et à adopter vis à vis des sciences une attitude critique.

A cela s'ajoute que la démocratie est une source majeure de renforcement des crédulités qui aboutissent ou sont susceptibles d'aboutir à des choix collectifs irrationnels. Or si les foules peuvent être sages dans les décisions, les contraires s'équilibrant, elles ne sont pas pour autant à même de produire l'information nécessaire à ces décisions.

Au-delà du démontage de certaines idées reçues ici et là, le livre s'intéresse surtout à nous démontrer, nous lecteurs que l'avarice mentale, les biais cela ne s'applique pas seulement à autrui, mais aussi à nous-même. Et que ces mécanismes sont toujours à l'oeuvre, quel que soit notre niveau d'éducation par ailleurs, avec une propension à adopter une démarche critique frôlant le nihilisme intellectuel. De ce point de vue le livre est assez réussi.

Le constat laisse cependant assez peu de place aux solutions: des formations des journalistes aux légendes urbaines pour accroitre leur esprit critique, la rediffusion de sociétés savantes de l'Éducation nationale pour faire contrepoids à Internet essentiellement.

Il reste à la fin de cet ouvrage un goût un peu amer et sucré. Chacun de nous participe, à son corps défendant, à la démocratie des crédules, en confondant avoir des raisons de penser quelque chose et avoir raison de penser quelque chose. Mais cette prise de conscience est un premier pas nécessaire pour chercher le vrai, plutôt que de vouloir confirmer ce que l'on croit juste.

Activité sur La Démocratie des crédules