J'ai l'impression que ma longue fidélité à Michel Bussi est en train de toucher à sa fin, après deux derniers romans très décevants. Certes, les bouquins de l'écrivain normand ont toujours appartenu à la littérature "de gare", mais avec un je ne sais quoi de sympathique et accrocheur, que je n'ai pas retrouvé dans "Au soleil redouté" (et encore moins dans le précédent "J'ai du rêver trop fort").

On retrouve pourtant la plupart des ingrédients souvent présents dans l'univers de Bussi, à commencer par la touche d'exotisme, puisque le récit se déroule aux îles Marquises (après la Réunion par exemple dans "Ne lâche pas ma main"). Bussi déroule le dépliant touristique, détaille la faune et la flore locale, évoque l'histoire de l'archipel, cite Brel et Gauguin, intègre à l'intrigue les coutumes locales (les fameux tikis). Pourtant, je ne me suis pas senti transporté, tout cela m'a semblé bien scolaire...

Comme dans plusieurs précédents titres, Bussi s'inspire des classiques du roman d'énigme, ici clairement "Les dix petits nègres" d'Agatha Christie, avec un nombre limité de personnages réunis dans un huis-clos criminel. Mais sa mécanique narrative ne fonctionne pas vraiment, l'auteur ayant beaucoup trop tendance à délayer : ainsi, je suis arrivé à la moitié du livre sans être un minimum accroché par l'intrigue. On se fout de l'identité du tueur, à tel point que j'ai du la vérifier avant d'écrire cette critique, moins d'une semaine après la fin de ma lecture!

Enfin, l'ultime ingrédient propre à Bussi, c'est sa capacité à manipuler le lecteur grâce à une prouesse narrative, un final twist spectaculaire. Ici le coup de bluff tombe à plat, on ressent trop l'artifice, qui en prime ne change pas grand chose à la résolution (je reste vague pour ne pas spoiler).

Toutefois, "Au soleil redouté" reste une lecture acceptable, voire divertissante en certaines occasions (l'ambiance au sein de la pension de famille, l'escapade à la plage...). Bussi met une nouvelle fois en scène des héros du quotidien, auxquels on peut facilement s'identifier, sauf qu'ici ces personnages semblent interchangeables, car pas suffisamment caractérisés.

La meilleure illustration de ce problème réside dans le choix de la narration alternée : on passe successivement du récit d'une adolescente au journal d'une trentenaire apprentie-écrivain, et rien ou presque ne vient distinguer ces deux points de vue... D'autant que Bussi vient ponctuellement ajouter un point de vue supplémentaire quand le besoin se fait sentir : un sacré bordel en terme de structure narrative!

Alors de deux choses l'une : soit j'ai évolué en tant que lecteur, au point de ne plus savoir apprécier ces romans de plage, à l'écriture scolaire et sans relief ; soit Bussi a perdu son mojo, à force de maintenir un rythme de publication stakhanoviste (un livre par an).

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