Quel intérêt d’être royaliste légitimiste aujourd’hui ? Aucun, si ce n’est pour le folklore et pour se mettre en marge de la société de la consommation sans être un saltimbanque qui se drogue.

Quel réel partisan d’un pouvoir royal total et catholique pourrait se reconnaître en Louis XX, véritable jet-setter esclave du capitalisme ? Le prince Jean est tout aussi servile envers le même maître d’ailleurs, donc, c’est un combat, une revendication complètement vaine et anachronique.

Cependant, ça n’empêche pas de lire les textes de ceux qui défendaient le légitimisme quand ça avait encore un sens, et parmi ces auteurs, Joseph De Maistre se place parmi les plus influents, si ce n’est le plus influent. Son ouvrage Considérations sur la France est un écrit majeur qui offre une perspective rare sur la société et la politique françaises du XVIIIe siècle. Sa nature contre-révolutionnaire (même s’il réfute ce terme) en fait un texte forcément méprisé par la peuple qui sanctifie automatiquement la Révolution, et rien que pour ça, il vaut le coup d’être lu. Publié en 1796, cet ouvrage s’inscrit en opposition totale du pouvoir en place, le Directoire, issu des idées Révolutionnaires.

Maistre commence par décire le rôle de la France dans le monde. Selon l'auteur, la France a reçu une véritable magistrature sur l'Europe, une autorité morale et religieuse, symbolisée par le titre de très-chrétien donné à son ancien roi.

Cependant, De Maistre critique aussi la France pour avoir abusé de cette position de pouvoir et pour avoir détourné sa véritable vocation en démoralisant l'Europe.

Il suggère que la France a utilisé son influence pour s'opposer à sa mission et pour semer le chaos moral et social à travers la Révolution française.

En conséquence, l'auteur affirme que la France sera ramenée sur le chemin de sa vocation véritable par des moyens terribles et peut-être punitifs. Cela implique que la Révolution et les souffrances qui l'ont accompagnée sont une réaction divine destinée à corriger les erreurs de la France et à restaurer son rôle moral et religieux dans l'Europe.

Les idées de l’auteur sont très imbibées de cette Providence, cette force divine qui meut tout ce qui existe. J’ai bien aimé son objectivité, chose rare dans un essai politique, il reconnaît les erreurs de la France et fustige les abus de l’omnipotence, idée que je rejoins, car je suis un partisan de l’ordre et combattant de l’hybris.

Puis quand il explique que l'idée selon laquelle seules les personnes désignées par mandat peuvent être des représentants politiques souvent faite par malhonnêteté ou par négligence, il m’a aussi conquis. De Maistre prend l’exemple des tribunaux, il explique qu’il y est courant de représenter des individus tels que les enfants, les fous et les absents par le biais de représentants légalement désignés. Il soutient que le peuple lui-même possède ces qualités de manière éminente, étant toujours enfant, toujours fou et toujours absent, ce qui est vrai et génial. Par conséquent, il questionne ensuite pourquoi les tuteurs ou gouvernants du peuple ne pourraient pas se passer de mandats pour les représenter et prouve ainsi toute l’esbroufe derrière le titre de représentant du peuple, mi-paresse, mi-opportunisme.

Enfin, ce qui m’a aussi plu, c’est l’inutilité soulignée des constitutions, qui ne sont que du papier selon lui. Dieu règle tout, et quand les hommes se rassemblent pour rédiger des trucs, et ben ils ne font que transcrire ces droits préexistents. L’homme ne peut pas tout contrôler, et une constituon est amenée à changer, à s’adapter au comportement humain, lui-même soumis aux circonstances complexes et souvent imprévisibles de la vie. Par conséquent, elle n’a aucun impact, aucune valeur réelle, n’égale pas la constitution de Dieu, immuable et inexorable.

Je suis athée, à cent pour cent, mais cette idée de pouvoir basé sur la religion, donc sur la soumission de l’homme face à un pouvoir supérieur m’a toujours plu, car elle remet l’humain à sa place de mortel complexe et médiocre qu’il est et sera toujours. L’idée d’un Dieu qui voit tout et qui punit est ce qui permet aux hommes de cesser les cruautés, même si c’est terriblement naïf, c’est un concept qui me plaît. De Maistre évoque d’ailleurs cette soumission que le Roi doit avoir envers la loi, d’où l’importance d’une magistrature indépendante et érudite des lois de Dieu pour pouvoir éviter toute tyrannie.

Bref, un texte plaisant, majestueusement écrit et dans lequel je me retrouve malgré mon athéisme pur et inné.

Activité sur Considérations sur la France