Quel plaisir de relire cet ouvrage, où transparait toute la sensibilité et l'ironie de l'auteur, Italo Calvino né en 1923. Il imagine dans les années 1950 une trilogie présentant des personnages improbables. Le baron pourfendu en est le premier exemple. Ce petit roman par la taille paraît en 1952 est une fable qui rend hommage à la littérature populaire, à l'oralité. On y trouve des aspects du conte. Nous sommes dans le monde des hommes, dans une temporalité indéfinie. Italo Calvino part d'une situation irréaliste du point de vue de la vraisemblance. Or, cette situation est ensuite développée de manière réaliste et logique.

Nous sommes dans un temps où la chrétienté est en guerre contre les Turcs. Le narrateur omniscient, un enfant, est le propre neveu du vicomte Medardo di Terralba qui se retrouve coupé en deux à la suite d'un tir ennemi lors de son premier engagement en tant que lieutenant. Ainsi, il revient sur ses terres amputé d'un bras, d'une jambe... de toute sa partie gauche. La description qu'en fait l'auteur est emprunte d'une ironie douce qui est en rien acerbe.

En effet, le retour est glaçant et effrayant au premier abord pour les familiers du vicomte. Celui-ci fait preuve d'une folie destructrice. Il mutile tout ce qui se trouve sur son chemin, causant le surlendemain même de son retour le décès de son père. En effet, il tue la pie préférée de ce dernier . La folie meurtrière du vicomte n'a alors plus aucune borne. Il s'attaque aux hommes et même à sa vieille nourrice qu'il envoie chez les lépreux suite à une odieuse machination.

Le narrateur, indigné par le comportement du Docteur Trelawney qui ne fait rien pour venir en aide à la vielle nourrice, s'enfuit. Il se retrouve chez des Huguenots venus se réfugier sur les terres infertiles du vicomte. Ces croyants font montre d'un moralisme exacerbé, ayant perdu tous les écrits pouvant les guider. Le narrateur s'en écarte, tandis que son oncle est pris par un nouveau sentiment, l'amour. Il aperçoit une belle bergère qui va vite prendre conscience de sa funeste destinée en constatant les fleurs mutilées qu'elle trouve sur son chemin. Lors d'un rendez-vous nocturne, le vicomte lui indique qu'il la veut en son château. Or, loin de se soumettre , la jeune bergère nommée Pamela, se réfugie dans les bois. Or, elle y fait une rencontre étrange, celle d'un vicomte bon. Elle se rend rapidement compte que c'est l'autre moitié du vicomte qui lui a permis de se protéger d'un gros orage et lui reproche même son absence de ressentiment envers les actions néfastes de son autre moitié.

Or, ce bon vicomte se rend rapidement aussi impopulaire que son alter ego. Le village des lépreux, jusqu'ici licencieux, subit ses discours moralisateurs. Les lépreux se trouvent désespérés devant un bon vicomte leur voulant du "bien".

La bergère Pamela, censée se marier avec le vicomte, conduit au duel des deux moitiés pour désigner l'heureux élu. Nous avons ici la représentation de l'homme qui se débat perpétuellement contre lui-même. Quand le jour du duel arrive, Italo Calvino nous décrit un bien étrange spectacle avec deux combattants n'arrivant pas à se toucher au départ. Puis, se sectionnant mutuellement dans le sens de la hauteur, le docteur Trelawney réussit à relier les deux moitiés. Le Vicomte se remet sur ses deux pieds, entier. Le narrateur décrit alors dans l'épilogue doux amer un vicomte ni bon, ni méchant, un être identique à ce qu'il était avant.

Italo Calvino montre de la sympathie envers une humanité ni bonne, ni méchante. Certains lecteurs pourraient trouver cette fable bien vide, mais il en découle comme dans Le désert des Tartares un message d'espoir. Décidément, l'Italie a donné à la littérature mondiale de biens grands raconteurs d'histoires comme Italo Calvinio , Dino Buzzati et Umberto Eco.

Activité sur Le Vicomte pourfendu