1. Culture

J'ai toujours eu l'impression que le Hip-hop est un genre musical assez fermé. Si t'as pas été baigné dedans durant ton adolescence et qu'à plus de 20 ans t'y connais rien et t'essayes de rentrer dedans ça marche pas souvent. Je le vois bien parce qu' étant un passionné j'essaye tout naturellement de faire aimer ce genre aux non-initiés. Mais même si je fais écouter une playlist où réside à mes yeux les rappeurs les plus talentueux, il manquera une chose essentiel que je ne peux partager en peu de temps : L'aspect Culture qu'est devenu le hip-hop. Le rap ne se résume pas seulement à sa musique, il est aussi devenu un grand divertissement pour tous ceux qui se prêtent au jeu. Déjà il a toujours existé l'esprit de compétition qui est essentiel à la culture du rap, mais aussi dorénavant, l'auditeur ne se contente plus de connaître la vie du rappeur uniquement à travers ses textes mais aussi bien dans la réalité, ou chaque fait et geste est suivi par un très grand nombre: les réseaux sociaux sont devenus indispensable à l'artiste pour promouvoir sa musique. Qui va faire mieux en première semaine ? Hé mais attend c'est pas un clash destiné à ... ? T'as vu la previews de la collaboration entre ces 2 artistes ? T'as vu la dernière cérémonie où il fait ça ? T'as vu sa dernière photo Insta ? T'as vu ce qu'il a fait à son dernier concert ?

Ainsi de suite...

Si je parlais de tout ça à un non-initié, il serait vite noyé dans cette masse d'information et surtout il n'y verrait aucune réelle l'utilité. Pourtant c'est devenu tellement important ce qui se fait en dehors de la musique parce qu'elle influence directement aujourd'hui le cœur même de la musique. Quand t'écoutes un rappeur, inconsciemment tu mets en relation tout le savoir anecdotique que t'as accumulé sur lui, et celui-ci établie sa côte de sympathie à tes yeux. Aujourd'hui il ne suffit plus de juste savoir rapper mais il est primordiale aussi de développer une personnalité (fictive ou pas) qui restera gravé dans la mémoire de l'auditeur. Chacun essaye de se démarquer à sa manière, le plus grand blasphème pour un rappeur serait d'être comparé à un autre et ainsi détruire toute l'originalité qu'il avait tant espérer pouvoir un jour atteindre. Certains surfent encore sur le côté satanique/Illuminati qui reste toujours diablement efficace pour se faire remarquer ( les Américains ont toujours adoré ce genre de bails), certains au contraire surfent sur le côté '' je suis un mec bien, je veux juste te rendre heureux avec ma musique", d'autres ' T'as vu d’où je viens? Nigga, on m'a déjà tirer 5x dessus, si moi je suis pas un vrai thug, qui peut l'être ?''.

2. Lil Uzi Vert

J'avais besoin d'expliquer tout ça pour mettre en contexte la sortie de Luv Is Rage 2. Lil Uzi Vert a toujours su habilement jouer avec son image. Il a toujours arboré cette image de rock star, auto-destructeur, extravagant, efféminé : sans cesse il a su captiver l'attention des fans avec ses moindres agissements. Ce qui est vital pour certains, par exemple, Lil Yachty qui malgré le fait qu'il n'a jamais été un très bon rappeur a réussi malgré tout à devenir une icône, grâce à cette côte de sympathie durement gagné. Tout ça pour dire que Lil Uzi Vert au fil de sa carrière a réussi à atteindre le niveau ''Hype" qui est extrêmement important dans le Game. Donc quand fin décembre 2016 il annonce la suite de Luv Is Rage, et qu'il reviendrai au source, la hype était déjà créée. Mais comme vous l'aurez sans doute compris, cette suite mit beaucoup de temps à arriver, les fans alors réussirent à maintenir la hype a eux seuls en créant de multiples spéculations sur la date de sortie, en partageant leurs exaspérations de ne pas voir le projet sortir. Lil Uzi ravi par cet intérêt pour son projet, joua dessus, et réussit à maintenir l'intérêt du public pendant 9 mois.

Quand j'ai vu la notification de Uzi dévoilant la pochette de son album en disant que c'était pour cette nuit, c'était quelque chose. Étant fan et m'étant prêté au jeu pendant 9 mois, la hype était parvenu à son paroxysme. C'était déjà fait pour moi: 10/10, succès commercial, retours ultra positif.... Bon, on va pas se mentir rien de tout ça n'arriva. Quand on en vient à attendre un album autant, on fantasme l'album et on perd un peu toute lucidité. La première écoute fut frustrante, j'étais bloqué face à un album que je n'avais jamais imaginé de la sorte. Tout naturellement il m'a fallu un temps d'adaptation pour pleinement accepter le nouvel univers proposé et renoncer à l'ancien qui pourtant m'avait tant plu. Dans Luv Is Rage 2, Lil Uzi expérimente beaucoup plus librement la musique qu'il veut concevoir. Comme il l'avait promis: au revoir les flows de la nouvelle scène systématiquement rythmés par des '' yeah / what ? / ouuh " alors que pourtant c'était lui même qui l'avait popularisé. Lil Uzi revint au fondement de sa musique avec son univers étrange, psyché mais surtout extrêmement inventif et libre.

Pourtant l'intérêt de sa musique reste toujours le même : Les mélodies. Comme son grand frère Young Thug, la musique de Uzi repose sur le même processus créatif : Rentrer dans le studio, freestyler (ils n'écrivent jamais) et chercher à étonner, divertir l'auditeur à travers l'utilisation de leurs voix/flows qui deviennent leur instrument le plus puissant et le plus persuasive pour transmettre la vibe qu'ils ont réussi à créer à partir de l'instru.

Même si je suis un grand fan, je ne peux pas prétendre que la musique de Uzi soit vraiment exceptionnel, on reste sur de la trap autant dans la forme que dans le fond. Mais pourtant il arrive à y apporter son énergie qui est terriblement communicative et divertissante. Parfois il en n'en faut pas plus, ou surtout, il ne faut pas en demander plus, écouter et apprécier le rap qui se fait aujourd'hui c'est admettre que parfois la musique peut se reposer uniquement sur la qualité de sa forme où des vibes sont transmises sans passer par les paroles.

3.Old-school VS New-school

On pourrait extrapoler cette rupture de l'old school et du new school et la comparer au passage de l'art académique/classique, à un art moderne/contemporain, l'intention est restée la même: toucher l'auditeur grâce à l'expression artistique personnel de l'homme derrière la musique, mais la façon a changé : la compréhension de l'oeuvre n'est plus donné clairement via le fond (le texte), mais elle est transmise à travers la forme qui permet d'offrir plus de choses car celle-ci ne possède pas la limitation des mots et peut être expérimenté sans aucune limite.

Donc forcément avec ce type de rap, l'avis de chacun devient encore plus subjectif, puisque (pour faire simple cette fois) ça dépend entièrement si l’œuvre t'as directement parlé en tant que musique, bruits. Tout ça pour dire que je comprends tout à fait que cet album puisse être mal reçu, le pari de l'album est ambitieux et ne peut (étant expérimental) plaire à tout le monde. C'est pas pour rien que la moyenne d'à peu près tous les albums d'old-school soient bien plus positives que des albums récemment sortis. Apprécier une peinture de Turner est chose aisée et accessible puisque il suffit de contempler le travail qu'a fourni l'artiste, à l'inverse, apprécier une peinture de Kandisky est une chose bien moins facile, il faut savoir admettre ne pas comprendre, essayer d'établir son interprétation, ou juste se contenter des sensations d'étonnements que procure l’œuvre. Je ne dis pas qu'une forme d'art est meilleur que l'autre, mais je trouve que ce qui se fait actuellement est beaucoup plus riche (autant dans le rap que dans l'art en général) et personnellement me parle beaucoup plus parce que je préfère largement ce que de prime abord je ne comprends pas et me pousse à ''ressentir'' l'art, à quelque chose que je comprends instinctivement et où j'ai très vite fait le tours. Et dans ce sens, je ne trouve pas mon compte dans un album old-school où la complexité des paroles délaisse l'essentiel pour moi. Je ne cherche pas à prouver que le rap c'est mieux maintenant, je cherche juste à éclairer les néophytes et certains des amateurs de Hip-hop qui ne comprennent pas l'intérêt qu'on peut trouver dans le rap qui se fait aujourd'hui.

J'avoue avoir complètement improvisé cette longue digression et elle n'a plu aucun rapport direct avec l'album de Lil Uzi Vert, où j'aurai réussi l'exploit de ne pas parler de l'album malgré la longueur du texte!

Mais il me semblait important d'avoir une vue d'ensemble dans quel esprit est fait un album de rap aujourd'hui.

Activité sur Luv Is Rage 2