Film incroyablement dérangeant que "It happened here".. et pourtant, l'est-il tant que ça?

22 ans avant SS-GB de Len Deighton et 21 ans après le prophétique Swastika Night de Katharine Burdekin, le réalisateur débutant Kevin Brownlow et l'expert en WWII Andrew Mollo ont réalisé ce quasi-documentaire qui fait froid dans le dos.. de tout le monde.

Etalée sur huit années parce que la totalité du casting était bénévole, la production a failli maintes fois capoter. Peter Watkins a prêté main forte au tournage et au montage dans la séquence se déroulant à Salisbury; Stanley Kubrick a donné des chutes de Dr Folamour... pour permettre l'achèvement du montage; le chef-op Peter Suschitsky a effectué là une brillante carte de visite qui lui a ouvert une carrière internationale. Bref, déjà en soi, une incroyable histoire de solidarité.

Ce qui en a gêné plus d'un, c'est que certains rôles de collaborateurs pro-nazis sont joués par.. d'anciens vrais collabos; c'est-à-dire des Anglais qui s'étaient engagés dans les rangs nazis. On a donc quelques scènes où ils débitent la propagande nazie avec une grande force de conviction.. et pour cause! (il y a la même chose dans Punishment Park). On comprend alors pourquoi la communauté juive a fait retirer une scène du film après sa sortie en 1964. Le manque de recul était intolérable.

Quoi qu'il en soit, si le montage est assez massif (les séquences ayant parfois été tournées à plusieurs mois d'intervalle, elles n'ont pas vraiment de continuité évidente) et le son pas toujours heureux (surtout au début), It happened here n'en reste pas moins une des oeuvres les plus intéressantes et les plus troublantes que j'aie vues sur ce thème. Les aficionados du Maître du Haut Chateau ne seront pas déçus. Et la scène de la clinique de campagne où l'infirmière Pauline Murray (qui joue peu ou prou son propre rôle) injecte un cocktail de vaccins à des prisonniers de l'Est.. constitue un summum de perversité digne du Choix de Sophie, qui ne dépareillerait pas un reportage actuel sur une certaine pandémie virale aux accents néo-fascistes.

Un film hurlant d'actualité à réhabiliter d'urgence, qui vous fera grincer des dents dans votre sommeil.

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