Depuis 1976, Neil Young avait l'intention de sortir un album simple et dépouillé, qui donne l'impression d'être à côté de lui dans la pièce lorsqu'on l'écoute. C'est ainsi que Hitchhiker fut enregistré mais qu'il décida finalement de ne pas publier. Après de nombreux changements au fil des mois, son idée s'est développée - et considérablement transformée - pour devenir American Stars 'n Bars, en passant entre temps par la case Chrome Dreams.

Une fois American Stars 'n Bars chez les disquaires (1977), Young est revenu à l'idée d'un album dépouillé qu'il réalisa donc en septembre de la même année, Oceanside/Countryside, augmenté toutefois de trois chansons enregistrées au printemps, plus classiquement, avec d'autres musiciens.

Mais cette fois, ce n'est pas lui qui a décidé de mettre le disque de côté, ce sont les pontes de Warner qui le trouvaient trop minimaliste et paraissait, selon eux, trop inachevé. Décidément, les gars de Warner Bros. sont habitués à massacrer les chefs-d’œuvre (Läther de Zappa à la même époque ou Crystal Ball de Prince dix ans après).

Neil Young ne rua pas dans les brancards cette fois-ci et accepta d'ajouter des arrangements supplémentaires à l'album ; ce qui donna Give to the Wind, devenu au bout du compte le Comes a Time que l'on connaît depuis sa parution tardive (octobre 1978), près d'un an après la fin de son enregistrement.

Comes a Time est un bon album (le préféré de son auteur - mais parle-t-il bien de celui-ci ou de Oceanside/Countryside ?). Les chansons sont bonnes, les mélodies souvent imparables, mais... comment dire ? C'est trop "joli". Gentil. "Peace of Mind" et "Already One", par exemples, ont un côté "ballade larmoyante" trop prononcé à cause des arrangements, et les accompagnements du Gone With The Wind Orchestra sont parfois vraiment trop sirupeux. Il y a néanmoins quelques très bons moments ("Comes a Time" et les deux titres enregistrés avec le Crazy Horse en janvier 1976, "Lotta Love" et "Look out for my Love", rescapée de Chrome Dreams). On regrettera juste la country boursouflée de "Field of Opportunity" (qui évoque le thème de "L'Homme qui tombe à pic"), vraiment abominable.

À l'écoute de Oceanside/Countryside (cf. Archives Vol. III), on se rend compte de la perte subie lors du passage à Comes a Time. Le morceau d'ouverture par exemple ("Goin' Back") montre à lui seul l'étendue du gâchis : tel qu'on peut l'entendre ici, on ne le considère que comme un morceau d'ouverture classique pour la mise en bouche. Dans la version originelle, c'est plus lumineux, dépouillé certes, mais qui ne veut pas dire sans arrangements. La chanson se révèle telle qu'en elle-même. Elle est splendide. "Peace of Mind" sort également grandie de la simplicité initiale des arrangements sobres, sans tous les effets guimauve de la version présente ici.

Si Hitchhiker était un album solo - au sens strict du terme - de Neil Young (lui et sa guitare - ou un piano - et rien d'autre), Oceanside/Countryside était tout de même travaillé en studio, et les arrangements étaient subtils et discrets, mais réels et pertinents. On n'y trouvait ni Nicolette Larson en accompagnement vocal (il doublait lui-même sa voix si besoin) ni le violon de Rufus Thibodeaux et on gagnait en finesse et légèreté. Le fait qu'il n'y ait pas de batterie non plus en disait également long sur ce beau projet. Du moins, sur sept des dix morceaux au total. Les trois autres ("Field of Opportunity", "It Might Have Been" et "Dance Dance Dance") sont en revanche dans un schéma plus classique qui rejoint le résultat obtenu sur Come a Time. Et c'est donc moins bon. Dommage.

L'album paru (Comes a Time) est donc un bon disque, mais pas autant qu'il aurait pu l'être.

Activité sur Comes a Time