Bushman sort en 2024, il devait sortir en 1971. Ironique qu'il n'ait trouvé sa place à l'époque : il aura ceci en commun avec son personnage principal.

Entre la fiction et le documentaire, Bushman suit le parcours d'un nigérian ayant fui son pays en proie à la guerre civile. Le film, qui peut faire penser au John Cassavetes de Shadows, est constitué d'une série de vignettes. On y voit Gabriel, le personnage principal, dans diverses situations montrant qu'il n'a sa place nulle part. Aussi noir soit-il, il n'est pas un vrai noir américain, lui dit une jeune femme, qui essaye de lui inculquer la manière de parler des afro-américains. La contre-culture est prête à l'accepter, mais l'acceptation de sa "négritude" se révèle toujours hypocrite : il reste le sauvage, celui qui n'est pas comme nous.

Le film est entrecoupé de discours face caméra, et de séquences montrant la vie en Afrique, renforçant l'aspect documentaire. Tout cela donne déjà un bon film indépendant, qui pose des questions et possède une vraie recherche stylistique. Mais là où le film gagne encore en force, c'est avec sa terrible fin, rattrapée par la réalité. Plus de fiction ici : "la réalité n'est pas plus étrange que la fiction, juste plus rapide", nous dit le réalisateur. Pour montrer la machine répressive de l'état, plus d'images animées, juste des photographies, et un récit en voix off. Gabriel/Okpokam n'a plus voix au chapitre, c'est à ceux qui restent de raconter la fin de l'histoire. Tout cela semble n'avoir aucun sens, à l'image de ces barricades mystérieuses de Couperin qu'on entend un moment.

Et ce qu'on a vu en définitive, venant contredire la maîtrise du reste du film, c'est l'impuissance du cinéma face à l'absurdité des hommes. Si encore pouvait-on dire que le film avait été vu en son temps...

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