J'adore ce bouquin, mais en même temps il n'y a rien de plus tragique dans la littérature que son existence et qui me rappelle tant cette citation de Jorge Luis Borges : "La page de perfection, la page dont aucun mot ne peut être altéré sans dommage, est la plus précaire de toutes ... Inversement, la page qui a une vocation d'immortalité peut traverser le feu des errata, des versions approximatives, des lectures distraites, des incompréhensions sans perdre son âme dans cette épreuve."

On ne connait pas la littérature de Valerie Solanas et hélas on ne les connaîtra jamais, par contre on connait le SCUM manifesto et quelques écrits retrouvé par hasard dans la factory.

Ce que l'on a de Solanas c'est ce manifeste qui se lis en moins d'une heure, qui a plutôt vocation à amuser des féministes ou toutes personnes misandre, puis de passer à autre chose puisque rien de profond ne puisse être tiré, que ce sois en terme de pratique ou de compréhension réel du monde. Il s'agit aussi d'un livre qui plait au frange les plus réactionnaire sur la question du féminisme ou à toutes personnes qui au fond n'en a pas grand chose à foutre : si tu penses comme Hoellebecq que toutes les féministes ne sont qu'une bande chialeuse, toutes des putes ... ben là t'es content, tu es servis, tu as une imagerie guérillère de la femme qui veuille bien cracher à ta figure, inverser des dominations, mais surtout pas une chialeuse qui réclame du care ou quoique ce sois de réfléchis (tout ce que les féministes demande ou pense au fond).

J'ai connu un certain Younis au travers des réseaux qui a produis une traduction du SCUM manifesto en arabe et qui à ma connaissance galère pour le publier puisqu'il habite en Egypte (depuis il l'a publié sur son substack, vous trouvez un lien ci dessous, en tout cas ne parlant pas l'arabe je ne peux en juger).

https://mahmoudamrhamrouch.substack.com/p/scum-manifesto-by-valery-solanas

On pourrait s'imaginer que dans la mesure où il n'est pas le mec typique à senscritique qui se transforme en pleureuse à la simple lecture du SCUM ou du bouquin d'Harmange que l'on a affaire à quelqu'un qui en a quelque chose à faire du féminisme, et pourtant nan ... le sujet du care par exemple qui implique que l'on respecte les limites de chacun, que l'on prend soin de soi et des autres dans une société grave patriarcal où la faiblesse n'a aucune place, ce n'était pas un sujet pour lui, c'était un truc de "libérale". En matière de féminisme il était surtout un lecteur de Virginie Despentes (et je ne vois pas d'autre chose que la figure là dedans), il y avait aussi une tendance à cracher sur les branches pro-sexe/pro-porn car ce serait une aliénation sauf que ça rentre parfaitement en contradiction avec le fait d'apprécier Despentes et tant d'autres ... puis il a fini aussi par considérer que Marguerite Stern - la TERF en chef - avait de bonne idée sur la question des trans, avec une tendance plutôt notoire à tenir des propos qui sont ceux de la culture du viol (j'insiste sur le fait que ça n'a rien de contradictoire dans certaines branches du féminisme) avec un propos assez classique propre au TERF sur la question trans ... bon et naturellement ce mec adore Michel Hoellebecq.

Sauf qu'il n'y a rien de plus injuste que de faire de Valérie Solanas une figure dissidente du féminisme ou à défaut une simple figure de bad bitch. Solanas c'est une femme qui a surtout été prise dans le temps, l'Amérique des années 50-60 : elle s'est débattus pour étudier divers domaine à l'université, elle a était SDF, prostituée ... ce qui ne l'a pas empêcher d'écrire et en quantité, mais toujours se prenant la barrière de l'édition. Envoyant la copie d'une pièce à Warhol -mec sombrement miso- qui l'a simplement perdu et lui a foutus un énorme vent, mais l'on comprend que ça n'a pas été le seul texte dans ce genre qui n'a aucune publication outre que posthume... Ce qu'elle se prenait dans la gueule c'était un sexisme intense, alors même qu'elle se tuait à faire de l'écriture malgré sa condition et c'est alors, dans ce contexte que naquit le SCUM manifesto qui n'est rien d'autre qu'un cri de rage de la part de quelqu'un qui se débat dans sa propre vie et qui se retrouve au final seul contre tous. Après le SCUM et la tentative d'homicide qu'elle a fait (qui au final a permis que l'on connaisse le SCUM) elle a continuait d'écrire massivement mais ... tout a été détruit à sa mort et son œuvre est perdu à jamais. Le destin de ce texte est au final quelque chose de très particulier puisque l'on en fait volontier le pamphlet d'une féministe hystérique qui veut buter les hommes, mais on ne réalise pas du tout que ce n'est probablement pas ce à quoi Solanas se déstinait, que tout ça n'est qu'une accumulation d'aléa et que l'on a retenu volontiers que le texte le plus sulfureux mais que ne lui donne aucun crédit au final.

Vous me direz que puisqu'on a rien de son œuvre excepté un zine provocateur et quelques manuscrits, probablement que c'était nul. Pourtant au travers de ce pamphlet misandre on trouve un certain style et un humour, le choix délibéré de prendre les thèses et propos Freudien et Aristotélicien pour les inversés le plus proprement possible, cette manière d'accumuler le plus de maux du monde sur les hommes qui c'était l'ultime problème sur terre (le sexe masculin et non le patriarcat d'ailleurs), mais que malgré tout dans cette immense accumulation il passe des éléments qu'on ne peut que valider. Là où Céline a écrit Bagatelle pour un massacre afin que les hommes puisse rire dans les tranchées selon ces dires, il y a dans le SCUM cette façon dépourvu de bonne foi mais qui possède quand même une incroyable conscience, qui permet à toutes personnes qui se tape les effets de la masculinité hégémonique dans la gueule de rire un bon coup. On y trouve une perspective complétement utopique d'insurrection pour en venir à bout du sexe masculin, suffisante pour donner à n'importe qui une rage de continuer à se battre dans ce monde où l'on ne peut que "mourir d'ennui".

Assurement on a affaire à quelqu'un qui savait écrire et ce que l'on ne possède probablement pas son sommet et que l'on a perdu peut-être des sérieuse perles, mais ça ce n'est hélas pas que Solanas, c'est l'histoire d'un grand nombre d'écrivaine au XXéme, au XIXéme et avant dont on trouve vite fait le nom sur wikipédia, mais dont l'on a énormement de mal à trouver les écrits car non édité, épuisé, publié dans des anthologies abjecte de "femme qui écrit" (je ne sais pas l'effet que ça serait de faire une anthologie d'homme précisément ... mais on trouverai ça plus bizarre normalement) voir tout simplement ... perdus ... et c'est très justement ça que devrait soulever comme problème le SCUM manifesto, mais ça on s'en fous et puis de toutes manières c'est plus simple de balancer un "aime ton destin" à une femme, alors qu'à côté il n'y a aucun problème a publier le dernier papier avec lequel Céline s'est torché les fesses.

Maintenant, pour aller plus loin ! si vous voulez plus d'écrit qui récupère la mentalité technophile de Solanas et son envie d'effacer le genre masculin, alors je vous conseille : Shulamith Firestone et son Dialectique du sexe, le manifeste xenofeministe et enfin Gender Acceleration de n1x qui a fait le texte le plus proche de Solanas dans la mesure où avec son LesbiaNRx elle veut mettre tout les mecs sous hormones pour faire une société de lesbienne ahah

Activité sur Scum manifesto