Géraldine a 26 ans, et habite à Paris, dans le XIème. Elle vit dans un studio de 23 mètres carré, et cumule les petits boulots : animatrice dans une école primaire du Vème arrondissement auprès d'une classe de CP/CE1, gardiennage d'enfants à la sortie de l'école, et baby-sitting le soir.

Sauf que ce qui aurait pu de prime abord être uniquement une BD toute mignonne à base de slice of life révèle tout son côté savoureux lorsque l'on prend en compte que Géraldine, c'est aussi une étudiante. Une étudiante en ethnologie.

Petit encart vulgarisation.

L'ethnologie, comme expliqué dans la BD, est "une science humaine proche de la sociologie, où il s'agit de comparer et d'expliquer l'ensemble des caractères sociaux et culturels des groupes humains". Et dans les sciences humaines, pour faire simple, on va retrouver des approches d'ordre plus quantitatives, qui vont s'intéresser au général, et basés sur le fait de faire passer des questionnaires, des enquêtes, et les approches d'ordre plus qualitatives, qui vont s'intéresser au particulier, et qui peuvent être notamment basés sur ce que l'on appelle "l'observation participante".

L'observation participante implique de directement s'introduire au sein des groupes que l'on souhaite étudier. Ce type de méthode donne souvent lieu à des récits fascinants, à la manière de l'une de mes plus belles découvertes littéraires lors de mes années estudiantines, étant l'Etabli, de Robert Lunhart, que je recommande très chaudement.

Et c'est cette fameuse méthode qui va être utilisée par Géraldine, plus involontairement qu'autre chose, par nécessité de gagner un minimum sa croûte. Et c'est aussi cette méthode qui va donner une véritable richesse à ce A cloche-pied.

Plusieurs thématiques vont être abordés au fil de ces 126 planches de très belles qualité. L'argent, le genre, l'amour, le travail. Parfois à travers des interactions entre les enfants, parfois quand Géraldine parle un peu de sa vie de tous les jours, avec son lot de crainte et de lucidité, et parfois aussi à travers des pages entières consacrées au fait de parler de concepts et d'histoires relatifs à l'ethnologie : le katchina des pueblos, l'amour chez les moso, etc. Des encarts très appréciables, et toujours très instructifs.

Ce qui m'a surtout plu dans cet ouvrage, c'est la sobriété. Le langage hésitant et blagues pipi caca propres à l'enfance sont toujours narrés de façon extérieure, sans jugements, sans rires. On balance juste les faits, et c'est aux lecteurs de se faire leur propre analyse. Ce qui n'implique pas pour autant que Géraldine soit transparente dans ses apparitions. Au contraire : elle apparaît comme terriblement humaine. Quand elle dit que les enfants c'est chouette, mais que parfois c'est fatiguant. Quand elle ironise un peu sur leur franc-parler, souvent mignon, qui peut parfois un peu blesser. Et surtout quand elle nous parle d'elle. De ses petites réflexions sur la vie, ses espoirs, ses craintes. Plein de moments dans lesquels je me suis inévitablement retrouvé.

En conclusion : j'ai vraiment été transporté du début à la fin. Alors que pourtant, je suis loin d'être le plus prompt à sourire bêtement quand je vois une bouille de bambin. Mais là, ça m'a fait craquer, tellement ça baigne d’authenticité, d'humanité.

C'est sorti l'année dernière, et ça mérite vraiment qu'on s'y attarde.

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