En 2006, Daniel Craig succède à Pierce Brosnan en tant que James Bond dans Casino Royale de Martin Campbell. Une œuvre remarquable, revenant à l’essence de la période Sean Connery, en étant plus réaliste, loin de l’abus excessif de gadgets et de situations rocambolesques. Un choix artistique en réaction à la franchise Jason Bourne qui ringardise un James Bond plus proche d’un animateur de camp de vacances, qu’un espion élégant et physique.

Après ce départ prometteur, la suite ne réussira jamais à renouer avec ces qualités artistiques. Quantum of Solace est un désastre. Skyfall puis 007 Spectre de Sam Mendes ne vont pas totalement me convaincre malgré une dramaturgie prometteuse et des scènes d’actions impressionnantes. Mourir peut attendre se doit de conclure l’ère Daniel Craig de manière surprenante et inoubliable.

De la neige au soleil

La scène d’introduction ne restera pas dans les annales. Les James Bond nous avaient habitués à des entrées en matière explosive. Celle-ci se montre plus sobre, en introduisant son nouveau méchant Lyutsifer Safin (Rami Malek), un prénom qui prête à sourire, plus proche d'un Austin Powers que d’un James Bond.

On passe d’une demeure isolée dans une forêt enneigée de Norvège à la dolce vita du niveau d’un roman photo entre James Bond (Daniel Craig) et Madeleine Swann (Léa Seydoux), jusqu’à ce qu’une explosion remette en cause cette relation idyllique. Une explosion dont il réchappe, avant de passer entre les rafales de balles puis de s’envoler sur une moto sans prendre la peine de mettre un casque, bel exemple pour la jeunesse. Un James Bond qui n’a rien à envier à un Avengers, capable de sauver le monde à lui seul ou presque.

5 ans plus tard, il coule des jours heureux en Jamaïque, avant que son passé ne vienne le remettre en activité. Un James Bond, pardon Commander Bond, qui a perdu son matricule, déchu à une jeune espionne talentueuse Nomi (Lashana Lynch) mais un peu nulle, à laquelle il damne facilement le pion, se révélant juste utile à faire des blaguounettes rarement efficaces.

Les femmes gravitent autour de James Bond, rien de bien nouveau, sauf qu’elles se révèlent plus indépendantes, moins sous le charme du quinquagénaire dont le cœur est toujours pris par Madeleine Swann. Parmi elles, on va croiser le chemin de Paloma (Ana de Armas). C’est la vraie héroïne, celle dont le court passage suffit à voler la vedette à James Bond et à mettre au second plan tous les autres personnages, même le chat sans poils. Elle est à la fois maladroite, touchante, sensuelle, drôle et badass. On sent la touche Phoebe Waller-Bridge.

Des méchants de pacotille

Malgré une entrée en matière décevante, Lyutsifer Safin parvient à marquer l’esprit avec son masque blanc fissuré. Il est venu semer la mort. Il va terroriser la jeune Madeleine Swann. Il est comme un boogeyman avec ce masque évoquant Michael Myers et Jason Vorhees. La peur qu’il inspire n’atteint pas les adultes et encore moins James Bond, sauf lorsqu’il menace ses proches. Il se veut raffiné, intelligent et spirituel. Il est plutôt dénué de charisme avec son attitude et phrasé trop mécanique.

Il est loin le temps de Mr Robot pour Rami Malek. Depuis, il cabotine comme avec son imitation de Freddie Mercury qui lui a valu une étonnante statuette dorée, nous rappelant les sombres heures d’Eddie Redmayne en Stephen Hawking dans Une merveilleuse histoire du temps. Ernst Stavro Blofeld (Christoph Waltz) va l’éclipser en une seule scène, au demeurant peu réussie.

En dehors de la présence de la française Léa Seydoux, on notera aussi celle de Dali Benssalah qui a fait le tour des médias français, fiers de le voir dans un James Bond. Une fierté excessive tant son personnage de méchant est des plus fades avec son œil robotique. Des méchants qui ne vont pas marquer l'histoire des James Bond. Ils ne sont pas à la hauteur de l’évènement, ce qui va handicaper un film qui s’étire dangereusement durant près de 2h45.

Enfin, il y a l’improbable virus qui tue selon l’ADN de sa cible, ainsi que ceux qui font partie de son arbre généalogique. C'est tellement gros que personne ne semble relever l'improbabilité de cette arme, tant les spectateurs.trices sont obnubilés par la dernière de Daniel Craig, le Johnny Halliday de la franchise Bond.

This is the end

C’est la der des der pour Daniel Craig. Après 15 ans de bons et loyaux services, il tire sa révérence. Il a été impeccable dans ce rôle, alors que je n’étais pas vraiment enthousiaste à l'idée de le voir revêtir le costume de l’agent secret au service de sa majesté.

Le film n’est pas à la hauteur du personnage. Il y avait la possibilité de conclure admirablement l’ère Daniel Craig, ce qui ne fût pas le cas pour ses prédécesseurs dont le départ n’était pas toujours prévu. Certes, on apprécie la sobriété de son final, d’éviter un feu d’artifice susceptible d’écraser ce moment, qui va se révéler émouvant. Même si les films ne furent pas remarquables, il y a un attachement à ce personnage qu’on a pu voir en action sur grand écran durant des années. D’ailleurs, c’est le seul dont j’ai pu suivre toutes les aventures dans une salle de cinéma. Comme la plupart d’entre vous, j’ai pu voir l’évolution de la franchise avec des personnages plus nuancés et en adéquation avec notre époque, même si cela n’est pas toujours fait de manière subtile.

Les personnages féminins ne sont presque plus des plantes vertes, juste là pour satisfaire James Bond et les spectateurs, pendant que les spectatrices se pâment devant l’agent 007. Les membres du MI6 ont pris un bain de jouvence avec Moneypenny (Naomie Harris) et Q (Ben Whishaw). Des changements qui ont apporté une diversité plus à l’image de notre société, même si certaines communautés peuvent se sentir flouées.

Une évolution qui se fait un douceur, au rythme de chaque nouveau volet avec une jeune femme au bras de James Bond.

Et après?

Ce dernier épisode offre de nouvelles perspectives. Son numéro de matricule sera-t’il réattribuer à Nomi. De ce fait, succède-t-elle à James Bond?

C’est la grande question qui agite le microcosme Bondien. Idris Elba a refusé de reprendre le rôle face aux nombreuses remarques racistes. Lashana Lynch semblait être sa successeuse. En sortant de la séance, cela ne semble pas évident. A titre personnel, elle ne m’a pas convaincu. Par contre, Ana de Armas est ma favorite. Le personnage écrit par Phoebe Waller-Bridge à toutes les caractéristiques pour donner un coup de jeune et de fouet pour permettre à la franchise de passer un nouveau cap. A moins de ne plus se reposer sur un seul personnage mais sur une équipe avec un(e) leader, à la manière de Mission Impossible.

Enfin bref…

Ce n’est pas un final en apothéose. Le film souffre de ses longueurs, surtout dans sa dernière heure. Ainsi que de ses méchants, qui n’en portent que le nom. Daniel Craig, Léa Seydoux, Ana de Armas et Christoph Waltz réussissent à maintenir un intérêt, ainsi que la mise en scène de Cary Joji Fukunaga dont on souhaite voir le retour derrière la caméra, afin d’assurer la transition.

Daniel Craig peut s’en aller fièrement, il a su endosser le costume de 007 avec talent et élégance. C’est une nouvelle ère qui s’ouvre à nous.

Activité sur Mourir peut attendre