Robert Mitchum restera un acteur atypique du grand Hollywood.

S'il fut l'égal des John Wayne, James Stewart et Henry Fonda, dans ce sens où on pouvait inscrire son nom en tête d'affiche, lui proposer des projets d'envergure, et réquisitionner des scénaristes et des réalisateurs pour qu'un nouveau "Mitchum" apparaisse sur les écrans, il n'en demeure pas moins qu'au contraire des acteurs précédemment cités il n'incarna que rarement (je suis même en train de me demander si cela se produisit au moins une fois) le héros pur au cœur encore plus pur qui lave méga plus blanc que déjà bien blanc.

Bien sûr, son rôle emblématique reste, et restera, celui du prédicateur dans "La nuit du chasseur" de Charles Laugthon. Mais dans ce personnage je n'ai jamais vu que de la noirceur. Pour moi, Mitchum c'est davantage un personnage sympathique (fameusement nonchalant) sur lequel plane sans cesse une ombre. Je préfère Mitchum quand il est inquiétant malgré son sourire plutôt que directement dérangeant. J'aime quand il se retient, quand il lutte pour ne pas sombrer du côté de la force obscure, car il est évident que s'il franchit la ligne ce n'est pas juste un méchant qui apparaîtra mais un fou furieux capable de tout ce que le pire peut offrir.

Mitchum, même quand il a une étoile de shérif épinglé sur le torse, n'en n'est pas pour autant meilleur que les bandits qu'il affronte. En tout cas, c'est ce que je ressens et c'est dans ce genre de personnage que j'aime le retrouver.

"L'homme au fusil" de Richard Wilson (réalisateur surtout connu pour son travail avec Orson Welles sur les premiers chefs-d'œuvre du maître) n'est ni un bon ni un mauvais western. C'est une production à petit budget (ça se voit dans le décor) que Mitchum accepta, dit-on, au lieu d'un gros projet (je ne vous dirai pas lequel pour la simple et bonne raison que je l'ignore) pour se faire oublier après une de ses énièmes frasques de star qui consista à se présenter entièrement nu à une fête costumée.

Pourquoi pas ! Mais je préfère penser qu'une fois digérée la minceur de l'intrigue scénaristique de ce western basique, il entrevit surtout tout ce qu'il allait pouvoir tirer du personnage de Clint Tollinger.

Disons le carrément la présence et la performance de Robert Mitchum est le seul intérêt de ce film de cow-boys où l'intrigue consiste à engager un "mercenaire" (Clint Tollinger donc) pour nettoyer une ville qu'une bande de truands à la solde d'un riche propriétaire persécute et dépouille.

À la base, Clint est simplement là pour rencontrer son ex compagne (laquelle tient le bordel du bled), qui refuse obstinément de le voir et encore moins de lui parler de leur enfant, la petit Bess, que notre Bobby préféré n'a pas vue depuis 5 ans.

Sa réputation lui collant aux bottes pire qu'un chewing-gum égaré dans une coupe afro, elle parvient fatalement aux oreilles de la population juste au moment où celle-ci connaît le paroxysme de son ras-le-bol quant aux sévices reçus. Clint est engagé pour ramener la paix dans les rues.

Et déjà, parmi les employeurs, une voix discordante s'élève pour s'inquiéter d'une impression désagréable ressentie au contact du héros fraîchement embauché : "et si le remède était pire que le mal ?".

Je vous laisse découvrir la suite et vous faire votre propre opinion concernant l'ensemble et la performance de Robert.

Sachez juste qu'une scène à elle seule mérite de se taper tout le bousin (je suis un peu sévère, si j'ai mis 6 c'est que c'est loin d'être catastrophique, mais il y a vraiment un moment de pur génie au milieu d'un film moyen), car on y voit clairement l'illustration de ce que je vous disais aimer chez Mitchum, et rien que pour mon plaisir je me dis que s'il a accepté ce film c'est pour pouvoir jouer ça.

Cette scène je ne la décrirai pas. Si vous voyez le film, vous la reconnaîtrez tout seul.

Je terminerai en rappelant que Mitchum avait environ deux décennies d'avance sur Clint Eastwood, et que comme pour son cadet, on peut dire de certains des personnages qu'il a interprétés, qu'il y a des héros dont il vaudrait peut-être mieux ne jamais croiser la route…

Activité sur L'Homme au fusil