Deuxième long métrage de Nicolas Silhol, le premier que je regarde, Anti-Squat m'attirait par la présence de Louise Bourgoin et son sujet assez original. Une mère célibataire proche de se faire virer de chez elle trouve un travail "de la dernière chance": gérer un immeuble entier et ses nouveaux résidents pour le compte de la société Anti-Squat. Si elle parvient à y faire régner l'ordre deux mois durant, elle doublera son petit smic avec promesse d'embauche à la clé. Ainsi, elle pourra elle-même trouver un nouveau logement pour subvenir aux besoins de son fils.

Autant le dire tout de suite, il s'agit d'un "petit" film, aux moyens corrects sans plus (2,2 millions de budget) qui s'applique avant tout à traiter son sujet à travers le tourment des questions morales posées à son héroïne... A mon sens il le fait plutôt bien !

Beaucoup de plans fixes, souvent un peu trop centrés à mon goût. Une colorimétrie grise et morne, assez moche au visionnage, néanmoins cohérente avec ces personnages se débattant avec les galères de la vie parisienne. En terme de réalisation on est très loin de se taper le cul par terre, l'intérêt n'est clairement pas là. Visuellement, le film manque pas mal d'ambition, pourtant, il se rattrape clairement avec le traitement de son sujet. C'est bien là le plus important.

Une période d'essai pour aspirer (peut-être) à mieux est tout ce qui sépare Inès des personnages dont on lui a confiée la garde. Comme eux, elle frôle dangereusement le bord du gouffre, on sent à chacune des péripéties son humanité se confronter aux strictes consignes qu'on lui a imposé. Forcément, en tant que spectateur, on en vient vite à se demander: aurais je fait les mêmes choix à sa place ? J'ai toujours aimé les processus d'identification dans les films, surtout quand ils sont traités comme ici, au sens moraux du terme. Et franchement... ça fonctionne. D'autant que le film a le mérite de ne pas lâcher son propos jusqu'à la fin. Il tranche sur ce que Inès a décidé de faire, sans la juger ni dire qu'elle a eu raison ou tord de se comporter ainsi. Certains pourraient considérer ça comme un problème car la morale qui ressort à la fin du film reste très trouble. Dans le cas présent, je trouve que c'est une qualité. Le sujet est traité et bien traité, laisse le choix au spectateur du jugement de ses personnages.

Le fils d'Inès, interprété par le jeune Samy Belkessa, est un personnage plutôt profond pour un jeune de son âge. Malgré que l'acteur n'est pas vraiment une "gueule de cinéma" à première vu, il s'en tire vraiment pas mal. C'est souvent par ses apparitions que l'émotion intervient. Perso, j'ai senti les frissons me gagner lors de sa scène de rap sur les toit, lors de la scène de fin. A confirmer à l'avenir mais je serais curieux de revoir de nouveau cet acteur.

En dehors de lui, le reste du casting livre des prestations honorables, notamment Louise Bourgoin, pas dans son meilleur rôle, mais pourtant convaincante, toute en retenu. Un personnage de vraie femme forte allant jusqu'au bout de ses choix, hésitante parfois, prête à faire le nécessaire pour elle et son enfant.

Alors oui, le film souffre parfois de quelques maladresses. La patronne de la société est méchante et caricaturale. La story-line autour des anciens agents de sécurité est assez grossière et n'a vraiment pour but que d'intervenir dans un climax pas si mal foutu. L'adolescent n'a de grandes raisons de se trouver là à ce moment là non plus. C'est le lot de beaucoup de films, dont une bonne partie n'a pas le mérite de tenir aussi bien son sujet que Anti-Squat. Je ne lui en tiendrais pas rigueur.

A voir si ça vous tente. Surtout si vous aimez les films amenant à vous interroger sur la société, son inhumanité, comment elle broie les individus pour les inviter à la rejoindre.

Activité sur Anti-Squat