Deborah, Lora Mae, Rita,

J'ai décidé de vous écrire cette lettre car je pars. Je suis venu vous dire que je m'en vais, en quelque sorte. Je ne partirai pas seule cependant, mais avec l'un de vos maris. C'est en rentrant chez vous, ce soir, que vous saurez lequel. Alors d'ici là, cette lettre n'aura pas d'autre but que celui d'une gâchette. D'un interrupteur. Qui déclenche un retour en arrière, un questionnement intérieur.

A toi Deborah, elle rappellera tes premiers instants en tant que femme de Brad. Brad, rencontré pendant que vous étiez dans la marine, l'uniforme gommant vos différences sociales. Pourtant, en cette soirée, c'est bien cela qui t'inquiète. Toi, venant de la campagne, lui l'homme civilisé et ses amis. Les rencontrer t'effraie, alors tu bois, tu paniques. Peu importe leur gentillesse, leurs tentatives pour te mettre à l'aise, rien n'y fait. Le souvenir d'une valse humiliante te hante. Peut-être n'es-tu pas faite pour lui...

A toi Rita, elle rappellera une soirée bien plus proche. Une soirée avec ton mari, deux amis, mais aussi tes employeurs. Des parangons de la société de consommation, fascinés par une culture médiocre accessible à tous. Face à eux, ton mari, professeur de littérature. Lui aime Keates, Byron, Brahms. Eux les pubs pour les réfrigérateurs et la littérature de radio. Leur confrontation te met face à un choix. Sauvegarder ton travail ou le respect de ton mari ? Lui en tout cas ne te reconnaît plus, passée de la femme indépendante qu'il aimait il y a 7 ans de cela à un pantin du marketing. Peut-être as-tu trop changé pour lui...

A toi Lora Mae, elle rappellera les premiers émois de ta relation. Mais peut-on parler d'émois ? Tu penses à l'argent, il pense à ton physique. Jeune femme libre, indépendante et forte, tu ne te laisses pas faire. Tu dictes les conditions. Lui essaye, puis se dégonfle devant l'importance de l'effort à fournir. Plus âgé, il a déjà été marié et ne veut pas recommencer. Pourtant, il doit bien y avoir quelque chose, puisque finalement, un soir de réveillon, tu l'as à tes pieds. Mais est-ce bien un mariage d'amour, pouvez-vous vivre ensemble ? Peut-être ne t'aime-t-il pas...

A vous trois enfin, vous réaliserez qu'une femme est un dénominateur commun à vos trois histoires. Moi, Addie Ross. Femme idéale, fantasmée, jamais montrée mais toujours désirée. La classe, le bon goût, l'élégance... Il semble que j'aie toutes les qualités selon vos trois maris. Alors l'un d'eux finit par partir avec moi.

Ce soir, en rentrant, vous serez chacune confrontée à votre avenir. Mais finalement, plus qu'une mauvaise nouvelle, cette lettre vous a offert une introspection. Une possibilité de prendre conscience, de vous rappeler des étapes de vos histoires, de la rencontre, aux premiers amours, à la routine d'un couple marié. Une catharsis vous attend, une explication finale. Une ouverture à l'autre, un espoir de renouer avec ce qui a fait la magie de vos relations.

Moi, je m'enfuis. Ephémère, insaisissable. Femme parfaite, mais jamais vue. Inconnue. Peut-être que je n'existe pas, que tout ça n'est qu'une prise de conscience intérieure. Peut-être que la réalité est bien plus belle qu'un fantasme.

Tendrement,

Addie

Activité sur Chaînes conjugales