Entre le biopic et le fantastique, Poesía sin fin offrait la promesse d'une imagerie époustouflante et d'une histoire touchante. Seulement voilà, ca tombe à l'eau.

Le surréalisme, sur-utilisé, finit par phagocyter tout le sens qu'on devrait chercher, et tout au long du film, ca ne fait que s'empirer. "Pour la poésie", nous crache à la gueule Jodorowsky, sans vouloir se justifier ; un prétexte pour montrer tout et n'importe quoi, n'importe comment. Nous avons l'impression d'assister à une destruction de l'art qui met très mal à l'aise, plus que les scènes sexuelles à rallonge. Ce manque d'objet, de précision dans l'intrigue globale du film verrouille toute recherche de cohérence, enfermant le protagoniste dans un univers inaccessible.

Il y a tout de même quelques idées intéressantes :

Les éléments du décor en carton, donnant l'impression d'un livre se déployant en relief.
La subjectivité dont ils font preuve quand ils décident de marcher en ligne droite pour "étendre leur conscience" (il a quand même fallu attendre 1:00 pour y arriver).
Le contraste entre le père austère et la mère qui chante.
La scène finale avec le père de J.

Ces murs entre le protagoniste et le spectateur ne font que s'épaissir à mesure que le film avance, Alejandro s'exaltant pour un rien, donnant plus l'impression d'un personnage égocentrique qu'autre chose. Quand il coupe l'arbre dans son jardin (métaphorisant sa lignée...), on aurait pu s'attendre à un rejet des normes, pas à une exposition de sa vision pitoyable des femmes et des handicapés.

Au final, sa rencontre avec les "originaux" de son quartier apparaît plus comme une sorte de fétichisation plus qu'un véritable intérêt qu'il leur porterait. Sa curiosité prétendue pour leur art est inexistante et réduit en cendres tout ce qu'il y aurait de poétique.

La poésie peut-elle être un "acte" quand on considère les autres comme des moyens ?

J. semble mépriser ces "ultra-pianistes" et autres artistes contemporains qu'il aperçoit dans l'atelier de son amie, mais ne s'enflamme pas pour des concepts bien différents. Le côté nombriliste-bourgeois ressort : son art est le seul qui mériterait d'être considéré, les autres sont des weirdos. Un écrasement narcissique de l'autre pour redorer son égo n'est pas nécessaire quand on veut faire un biopic.

Une symbolique plus franche par rapport au contexte politique de l'époque aurait rajouté plus de corps au film et à son message, si tant est qu'il y en ait un. L'idée des personnages "endormis" ou cachés derrière des masques quand J serait le seul "woke" est plutôt sympatique mais ne casse pas des briques. Pour le reste, la symbolique m'est passée au dessus ; le film ne donne rien à quoi se raccrocher, violant le spectateur dans sa quête de sens.

Ca sera Poesía sans moi. 3/10

Activité sur Poesía sin fin