Ouh, que c'est jouissif !

Mon cinéma de La Femanité, 2 rue de la Gardière, 15ème arrondissement, a toujours le bon goût de me proposer les meilleurs films à voir !

Aujourd'hui, c'est le vrai Suspiria, celui de 2018, celui qui n'est pas fait par Dario Argento, celui qui est bon.

Le film commence avec trois introductions. Pourquoi trois ?

Puis, on se retrouve à Berlin parmi les punks à chiens et le mur de Berlin. Et même l'école se trouve juste en dessous, comme par hasard ! On aura le droit donc à ces terribles murs en CGI pendant tout le film ! Alors, je sais que c'est Amazon qui a payé le film mais à partir de cet instant, je vais me taper la tête contre un mur pour l'oublier.

Qu'est-ce que je disais ? Ah oui, cet incroyable film indépendant payé par l'argent de poche de Mama Crushetta.

Comparé à l'autre film, Suspiria tend à montrer que la danse, c'est pas juste quelqu'un qui se dandine ou quelqu'un qui se tortille comme si une punaise venait de lui remonter la colonne vertébrale, c'est hautement culturel, ça provoque des jouissances du cerveau. Dario, lui, il s'en foutait, mais nous, on s'en fout pas. On est ouvert à la culture. On regarde que des films où la culture est mise en exergue parce qu'autrement, comment le réalisateur fait pour montrer qu'il est cultivé ? Comment on fait, nous, pour montrer qu'on est cultivé ? Et qu'on a lu le 45 ème livre de Brecht "Das mal gutter dem Arbeit" où à la cinquantième page, deuxième chapitre, il y a ce poème là qui raconte : "Ausgend das vier mal toten sie".

C'est alors que Cate Blanchett sent quelque chose… Quelqu'un a pété ? Mais non. C'est cette fille, elle a du potentiel. Elle en a dans le ciboulot. Elle est tellement forte, je suis sûr qu'elle fait des pompes avec ses seins. C'est peut-être le scénario d'un mauvais film hollywoodien avec la gamine qui sort de nulle part et qui surpasse tout le monde d'un claquement de doigt avec en fond la préparation à un spectacle de fin d'année mais là, c'est pas du tout le même film puisque c'est un petit peu plus subtil. A la fin, elle défouraille tout le monde rien qu'avec la pensée, et c'est comme ça qu'on apprend qu'elle est la mère, l'entité surpuissante du film. Twist final pas du tout exagéré, c'est juste la continuité logique de l'illogisme.

Alors, maintenant qu'on a notre arrière-plan culturel sur lequel on va pouvoir s'épancher plus que nécessaire, il nous faut forcément le contexte socialo politique pour rehausser le tout, quand même, on est pas là pour regarder un film de série B sans cerveau ! J'ai pu remarquer le fil rouge du contexte politique qui traîne un peu partout, on le verrait pas comme ça, mais mon œil est acéré par tous ces cours de politique de gauche que j'ai eu depuis la maternelle.

Après avoir vu le film, j'ai pu appeler tous mes profs d'études de cinéma pour leur dire que c'était bon, il pouvait commencer à analyser le film à partir de… maintenant ! Que l'analyste le plus racoleur gagne !

On fait en sorte aussi d'appuyer la sororité d'un peu trop pour donner cette impression d'une jouissance sociale où tout le monde marche sur les pieds de tout le monde comme dans un loft bobo. On mange tous à la grande table du petit déjeuner et on se regarde tous manger car, c'est comme ça qu'on canalise tous nos cerveaux pour que la journée soit le plus culturel possible. Ce n'est plus le sabbat ! C'est la cantine des sorcières ! C'est exactement ce qu'on fait avec mes potos d'université, dès que quelqu'un s'éloigne un peu, on lui fait comprendre que son cerveau en plus des nôtres, pourraient nous pousser davantage dans la bobitude assimilée de la jouissance culturelle. Et que si on se marginalise un peu trop, on finit par devenir un incel dangereux pour la culture et qu'il risque de piquer une bombe à un terroriste pour s'exploser dans une galerie sur l'œuvre ésotérique de Grancheval sur l'émancipation des gitans du Kurdistan.

Et après, ce n'est pas tout, on a pas tout à fini de réhabiliter le film, il faut donner ce réalisme des petits instants, donnez moi un vieux qui prend le train, un vieux qui pose un journal sur un siège, qui marche dans la rue, et qui enlève les petites feuilles d'automne sur le perron d'une maison. Et là, il se remémore ce que Groushka, lui racontait par rapport aux feuilles du quotidien qui continuent de se poser vent après vent. C'est l'heure d'une petite tisane sur son siège de jardin. Slurrrrp… Ahhhhhh. Il ne manque plus que le tourne-disque et un petit single de Marvin Gaye. Slurrrp… Ahhhhh.

N'oublions pas la sororité, bien sûr, le personnage principal va avec sa colocataire, faire un braquage de bureaux après deux scènes de dialogue très courtes. Eh oui, la sororité est magique, elle unit les gens à faire des crimes en très peu de temps. Tout comme, c'est bien d'avoir des tas de plans qui montrent les directrices de l'école faire des tas de choses banales comme ça on éprouve de l'empathie pour des cultistes démoniaques qui sacrifient des filles pour une sorcière d'un autre temps. Et si la fille à la fin, devient la nouvelle maîtresse, eh ben… c'est très bien pour elle, ce serait même cool qu'elle en sacrifie plus. Il y a de la promotion dans l'air. Girl Power. Yass Queen. Elle a tué plein de gens mais seulement ceux qui n'ont pas de personnalité, mais elle en a sauvé trois qui voulaient mourir en les tuant, quelle âme généreuse.

Et on abuse des plans horrifiques où on juxtapose trente plans différents totalement décalés… Ahlala, c'est le rêve, le cauchemar, l'onirisme. Ouhhhh, une image fixe, qu'est ce que ça fait peur ! J'en ai froid au cerveau. Oh tant de sang, que c'est grotesque, arrête vieux fou.

Mais bon, voilà, superbe film qui nous rappelle à chaque fois que tout ce qui semble mauvais est en fait très bon. C'est même comme ça qu'on s'ouvre à la culture, en disant tout simplement que tout est bon car il n'y a rien de mauvais si on a pas l'œil acéré d'un homme de culture raffiné. Parce que si vous dites que c'est nul, eh ben, vous avez le droit. Et si vous expliquez pourquoi, c'est quand même compliqué parce que je suis sûr qu'il y a un pattern psychologique qu'il faut réussir à débloquer dans votre esprit. Pourquoi vous voulez pas faire comme nous et passer pour un intellectuel ?

Allez, je vous laisse sur la dernière page du 45 ème livre de Bertold Brecht que j'ai lu il y a quelques secondes (c'est marqué sur Senscritique, vous pouvez vérifier. Vérifiez, s'il vous plaît) : "Alles, alles, keine zucker, schwimmer zund kino gesteht zu Stadt. Alles, Alles."

Activité sur Suspiria