Méfiance. Avec Un ours dans le Jura, la toute dernière réalisation de Franck Dubosc on pourrait, en bon cartésien, prendre au sérieux - et pour argent comptant (sans jeu de mots) - la noirceur du film, dans le style Fargo des frères Coen ; mais au fil de l’intrigue, on finit par comprendre que par l’effet boule de neige de leur enchaînement burlesque et improbable, les épisodes qui se suivent à rythme rapide sont tout sauf rationnels et présentent chacun leur petit grain de folie.

Alors les intentions de l’auteur se révèlent, manifestes : « pousser les curseurs » dans une volonté de plonger le spectateur dans un réalisme surréaliste amorcé d’emblée par le titre, l’ours, OVNI improbable et moteur initial du scénario et de tous les malheurs qui s’ensuivront, qu’on sait avoir déserté de longue date le massif vosgien ; utiliser par ailleurs le second degré d’un mélange des genres pastichant le polar de narco-trafiquants et enquêteurs pressés bâclant leurs recherches, le film d’horreur avec son trop-plein d’hémoglobine, la comédie sentimentale d’un couple cohabitant ensemble oublieux d’une passion amoureuse passée, la chronique sociale d’une humanité dans son quotidien, trop tentée pour surmonter ses difficultés - ou par générosité altruiste - de jeter par-dessus bord tout sens moral par appât du gain et corruption bien comprise.

Le tout est incarné en ces jours de Noël par des personnages très bien campés, seconds rôles compris - à l’exemple entre autres du curé bien atypique, du tueur mafieux imperturbable (rappel du psychopathe Javier Bardem de No Country for Old Men ?) - jusque et y compris dans leur passage éclair, tel le réceptionniste de l’hôtel ; avec au premier chef un Benoit Poelvoorde en major de gendarmerie, dépassé par la complexité de l’affaire et l’accumulation des cadavres, la surprenante Laure Calamy en femme de tête imperturbable qui prend l’initiative et l’ascendant sur son mari, un Franck Dubosc tétanisé, ici à contre-emploi, ou le jeune Timéo Mahaut en jeune garçon autiste et silencieux capable de folle initiative en jouant les sauveurs sur tracteur à lame.

Avec cette réalisation, Franck Dubosc se démarque de sa série Camping ou de ses autres œuvres relativement réussies et moins fortes. On sent ici de sa part un fort désir de renouvellement loin des chemins balisés d’une bien-pensance franchouillarde. Pour nous une réussite tempérée par son côté relativement burlesque mais qui présage pour cet acteur de comédies faciles et populaires une carrière de metteur en scène qui pourrait s’annoncer très prometteuse, capable de nous entraîner dans un univers inattendu, le sien.

Activité sur Un ours dans le Jura