En 2019, L’Employé marque les débuts de Spotify dans la production de séries audio originales en France. Ce format, encore peu répandu à l’époque, intrigue autant qu’il interpelle : peut-on captiver un auditoire uniquement par le son, sans le support d’images ? Plus tard, des productions comme Batman Autopsie démontreront tout le potentiel de cette approche, mais L’Employé posait déjà les bases d’une narration immersive et percutante. Avec son atmosphère oppressante et son sujet glaçant, la série s’impose comme une expérience auditive très plaisante.

Un concept saisissant porté par un univers oppressant

Plongé dans un État dystopique où les lois répressives se multiplient, L’Employé raconte le quotidien d’un agent chargé de mener des interrogatoires pour le compte d’un régime totalitaire. Chaque jour, il reçoit des suspects, les questionne, les pousse dans leurs retranchements et enregistre ses entretiens sur cassette. Ce dispositif, à la fois simple et ingénieux, donne une véritable justification au format audio. L’auditeur devient ainsi le témoin impuissant de ces face-à-face tendus, où la parole est une arme redoutable. L’analogie avec les dérives autoritaires réelles est évidente, et la série joue habilement sur cette proximité avec notre monde pour renforcer son impact.

Une tension maîtrisée et une mise en scène percutante

L’une des grandes forces de L’Employé réside dans sa capacité à instaurer une atmosphère oppressante en seulement quelques minutes. Chaque épisode nous enferme dans une pièce exiguë où les voix, les silences et les respirations suffisent à créer une tension palpable. La série adopte une mise en scène en one-shot, un exercice périlleux qui accentue l’effet de réalisme et plonge l’auditeur au cœur de ces confrontations psychologiques. Le jeu des comédiens est remarquable, leur performance vocale suffisant à transmettre toute la palette d’émotions des personnages, de la peur au défi, en passant par la résignation. Certains épisodes atteignent des sommets d’intensité, notamment celui mettant en scène un professeur, dont le discours fait écho à des problématiques éducatives bien actuelles. Cette pertinence sociale renforce encore l’impact de l’ensemble.

Une intrigue principale qui peine à convaincre

Si chaque épisode fonctionne très bien individuellement, la série se heurte toutefois à un problème majeur lorsqu’elle tente de développer une intrigue plus globale. L’Employé oscille entre un format procédural – où chaque épisode suit un cas différent – et un fil rouge qui tente de donner de la profondeur à l’évolution du protagoniste. Malheureusement, cette évolution manque de crédibilité. En l’espace de quelques rencontres seulement, le personnage principal passe d’un agent froid et méthodique à une figure quasi révolutionnaire, rejetant brutalement le système qu’il servait avec zèle. Cette transition apparaît précipitée et peu convaincante, affaiblissant la portée du message que l’auteur cherche à transmettre. De plus, les derniers épisodes, qui tentent de conclure cette intrigue, s’avèrent bien moins percutants que les précédents, donnant une impression de conclusion précipitée et artificielle.

L’Employé brille par son atmosphère immersive, ses performances d’acteurs et son format audio parfaitement exploité. La série captive lorsqu’elle reste focalisée sur ses interrogatoires glaçants et sur l’exploration des dérives d’un régime totalitaire. Cependant, son ambition narrative se heurte à une écriture parfois maladroite, notamment dans la trajectoire de son protagoniste, qui peine à convaincre. L’ensemble demeure une expérience forte et marquante, mais qui laisse un léger goût d’inachevé.

Un concept saisissant porté par un univers oppressant

Une tension maîtrisée et une mise en scène percutante

Une intrigue principale qui peine à convaincre

7/10

Activité sur L'Employé