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Inspiré par les feuilletons fantastiques alla Fantômas, Franju à trouvé avec Les Yeux sans visage la toile parfaite pour reproduire l’harmonie entre réalisme et licence poétique qui habitait ses modèles dans une tonalité surréaliste. Et si le scénario tient sur un timbre poste, s’adjoignant tout de même d’une enquête policière peu fructueuse pour imbriquer davantage le récit dans le réel, c’est que l’enjeu n’est pas là.

Il est dans la retranscription de cette imagerie de l’étrange, de l’insolite, qui finit de planter cette inquiétante atmosphère. Le célèbre masque, notamment repris par Almodovar dans La Piel que Habito, vient figer Christiane au moment de son accident dans une beauté inexpressive, où seule la peine de l’âme peut s’exprimer par le regard, venant figurer l’anti-persona de la tragédie antique en empêchant la définition d’un rôle, car sans visage elle ne se croit plus rien. Et ce ne sont pas les efforts de son savant fou de père qui iront dans ce sens, celui-ci n’agissant pas par amour et bienveillance mais dans une quête de surpassement de ses pairs, dans un élan de vanité qui le déshumanise et finit d’en faire un irrécupérable maniaque à la froideur bien plus glaçante que n’importe quel coup de bistouri. Christiane est condamnée à errer dans le manoir tel un fantôme du passé, indéfinie par les errements de son géniteur qui la cloître au même titre que ses cobayes canins.

Alors les noirs et blancs viennent renforcer l’isolement, tandis que l’angoisse augmente au rythme des jeunes victimes qui défilent, et que l’enquête qui piétine lance de faux espoirs. La musique de Maurice Jarre sonne foraine, ramenant aux origines du cinéma et aux freaks shows, et la table d’opération éclate sous la lumière dans une scène dont on a vu bien plus sanguinolentes représentations aujourd’hui, mais souvent sans le choc de la tension montée jusque là.

Franju signe une œuvre singulière, à part dans le paysage d’aujourd’hui et d’alors. Pas vraiment horrifique, mais tout en malaise et beauté sépulcrale. Un film à la cruauté palliée par la naïveté angélique de Christiane, dont l’ancrage dans le quotidien d’une banlieue parisienne vient décupler le pouvoir de suggestion.

Jusqu’à ce final en juste retour de bâton qui termine la bascule dans le fantastique.

Activité sur Les Yeux sans visage