Comme son titre ne l'indique pas, le scénario est tiré d'un roman de la série Noire (Gallimard) de Alfred Harris, "Suivez le veuf". Mais je ne connais pas ce roman. D'ailleurs sauf à le trouver dans une version originale chez les bouquinistes, il a été réédité dans une collection de poche sous le surprenant titre "Pile ou Face" … Mais ça, ce n'est plus du jeu…

"Pile ou Face" c'est l'affrontement dans une ville portuaire (en province, Bordeaux en l'occurrence mais ça pourrait être partout ailleurs) d'un vieux flic avec un autre vieux, suspect d'avoir défenestré son épouse.

Le vieux flic c'est Noiret dont le personnage est devenu inspecteur après avoir fait la circulation pendant des années. C'est probablement un bon flic avec du flair et tenace. Mais il n'a jamais su plaire à la hiérarchie. Il a toujours raison et ça agace. Il espère qu'après cette affaire, il décrochera – enfin - le titre d'inspecteur-chef, histoire d'améliorer l'ordinaire de sa retraite prochaine. Mais la ville bruit d'une vilaine affaire de drogue où sont impliqués des tas de jeunes, enfants de notables. Alors, l'affaire du vieux qui aurait poussé sa femme par la fenêtre d'un HLM, autant dire que tout le monde s'en fout. Le vieux flic est amer : On ne devient pas flic. On finit flic

Le gars qui "aurait" défenestré sa femme, c'est Michel Serrault. Il n'y a aucune preuve. A peine de la suspicion puisque l'affaire est classée par la police (sauf par Noiret qui fait du zèle). Par contre, tout le monde sait que son épouse (excellente Antoinette Moya) était une vraie teigne, un adjudant-chef devant qui Serrault filait doux depuis de nombreuses années. Un Michel Serrault qui rêve d'aller vivre dans une île de Polynésie mais qui n'ose pas sauter le pas. Même maintenant qu'il est "libre". Par dépit, il se construit une raison : "de toute façon, là-bas, il y a 3 mois de saison des pluies et 9 mois de saison des vents ; les palmiers sont tous penchés comme à Quiberon. Et la mer est infestée de requins".

S'installe une relation ambiguë, "je t'aime moi non plus", où on trouve du respect, de la tendresse et de la haine, entre les deux hommes. Surtout lorsque Serrault passe à l'offensive. Le faible Serrault se rebiffe car il en a décidément marre de se faire piétiner par sa femme (ok, le problème est résolu) puis par ce flic chiant, empêcheur de tourner en rond.

"Pile ou Face est un excellent petit polar réalisé par le non moins excellent Robert Enrico ("les aventuriers", "les grandes gueules", etc ) sur des dialogues de Michel Audiard.

Les seconds rôles sont des acteurs talentueux comme Jean Desailly en commissaire divisionnaire (que seules la politique et le "pas de vague" préoccupent), Pierre Arditi, Bernard Lecoq, une très sympathique Dorothée, …

C'est ce que j'appelle le polar de "qualité française". Avec une chute inattendue à la fin.

Et puis pour une fois, ce sont les bons qui gagnent au bout de cette série noire.

C'est bien plaisant.

Activité sur Pile ou face