Voici ce qui pourrait être l'un des tout meilleurs albums du songwriter fou, Daniel Johnston, ce génie invraisemblable.
Auteur dans les années 80 d'innombrables chefs-d'oeuvres très mal enregistrés sur des cassettes à la qualité sonore déplorable (on appellera ça plus tard "Lo-fi"), Johnston s'était vu offrir les services de maître Kramer à la fin des années 80 pour enregistrer un album à New York, puisque celui-ci, en pleine crise de nerfs à l'époque, était de visite à Big Apple sous l'impulsion de ses amis de Sonic Youth.
Particulièrement possédé, persuadé de la présence du Diable partout où il va, Johnston est alors très difficile à capter. Kramer va devoir se contenter de quelques visites en studios, et de lives édifiants enregistrés ci et là, où l'on entend Johnston hurler à l'assistance de "sortir Satan de leur vie" où encore leur demander de reprendre joyeusement en choeur les paroles très sombres de Funeral Home.
Certains parlent de gospel mortuaire, désespéré, gothique et profondément dérangé, d'autres d'art brut.
Quoi qu'il en soit, ce disque, qui devait s'appeler 1989 à l'origine, est un très très grand album, une plongée éprouvante dans l'univers maniaco-dépressif de Johnston, dans lequel on trouve certaines des chansons les plus tristes et les plus sublimes qu'il nous ait été donné d'entendre dans notre existence.
Il suffit d'entendre Some Things Last A Long Time retentir pour se dire qu'on est définitivement en présence de quelque chose d'incroyablement plus fort et plus profond que tout le reste.
On ressent l'immédiate honnêteté qui prend à la gorge, on sent que la chanson compte pour son auteur, qu'il pèse chaque mot prononcé, on sent quelque chose de vital, qui devait sortir, malgré toutes les douleurs que cela impliquait pour son géniteur.