Une voix sans visage, c’est hypnotisant. Une manière de détourner les regards du mystère qui entoure Népal pour les concentrer sur quelque chose d’important : la monotonie et la mélancolie vont de pair. 444 nuits et pas une de trop. 12 morceaux et pas un de trop. Le flow est posé. L’argot coule à flots. Les syllabes souvent inversées. Les mesures parfaitement exécutées. L’ennui, la monotonie du quotidien, l’absurdité d’une époque, résumés par des sonorités minimalistes et l’autosuffisance d’un boug qui ne gâche pas son talent.
La mélancolie chez Népal, dans ses 444 nuits, c’est des sonorités minimalistes, l’alliance parfaite entre modernité et tradition d’une musique qui a passé une décennie entière à pomper l’esprit de The Infamous de Mobb Deep. Le BPM est souvent défoncé à la verte : lent, parce qu’il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Ça sent la flânerie, la perdition dans les rues de Paris : « Rien d’spécial / Ce son il a rien d’spécial / L’instru elle a rien d’spécial / J’sais même pas j’fais quoi / Demain ça fait rien d’spécial / Et ça sert à rien d’faire style / Gros y’a rien d’spécial ».
L’hypnotisme est à son paroxysme. L’ennui est réduit à quelques notes de piano et un paradoxe de quelques minutes : si Rien d’spécial est un aveu d’échec, pourquoi l’envie d’y revenir est constante ? Parce que chaque décibel transpire l’authenticité. Parce que chaque titre, même dans ses imperfections, donne la sensation de suivre Népal dans ses déambulations dans ses « 444 nuits à sillonner l’dôme ».
Un aveu d’échec qu’on pourrait assimiler à une attitude désabusée, c’est parce que c’est comme ça et puis c’est tout. Quand il sample Suga Suga de Baby Bash, la même recette est appliquée. Le beat : ralenti. Doums ouvre les hostilités et rentre immédiatement dans le délire : « J’me couche à neuf heures de l’après-minuit / Un dernier joint de kush pour me ramener au lit / Le sommeil m’a zappé / Le destin d’un vendeur de sable ». La mélancolie, c’est l’expression de l’ennui, du quotidien, de l’absence de l’extraordinaire, de la répétition, l’équivalent de 444 nuits à gamberger, écrire, raturer, composer, jeter, recommencer.
444 nuits pour livrer le testament d’un langage inaccessible parce qu’il torture la langue de Molière. C’est figuré, dans tous les sens du terme et ça nécessite de l’attention et de l’imagination pour décoder le dynamisme des images. Ce que Népal fait, il est le seul à le faire aussi bien. Il a l’aura d’un JP Manova, la technicité d’un 20syl qui se serait reproduit avec un Grems. Couplé au minimalisme de quelques notes, Népal s’élève : il a l’authenticité des grands et le mystère de ceux veulent en dire beaucoup avec très peu.
Note :
Nuit blanche /10
02h00 :
« J’marche qu’avec des gus qui veulent rien savoir / Fidèle à mes blancs, mes noirs et ma matière grise » - 444 nuits
04h00 :
« En bas de chez moi y’a plus de richesse depuis qu’c’est la crise / Si tu t’demandais d’où venait mon cynisme et mon envie de prêcher » - Emoji
06h00 :
« T’existes à travers lui : AZERTY, AZERTY, AZERTY » - Suga Suga
07h00 :
« Au final, si t’es malheureux, ça reste de ta faute » - YOLO