6 Feet Deep
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6 Feet Deep

Album de Gravediggaz (1994)

En 1994, Biggie Smalls se dit prêt à mourir tandis que Common attend sa résurrection.
Des souhaits qu'auraient pu exaucer sans difficultés la clique démoniaque de Gravediggaz.

Ils ne rappent pas sur les shooting en drive-by, les craquements des poing-américains ou les sirènes du ghetto. Costumés en psychopathes, ils fanfaronnent sur les joies de la chaise électrique et sont à contre-courant des tendances de l'époque. La pochette désaturée de l'album avec canines et canifs apparents annonce la couleur : elle est rouge, comme le sang.

A côté de ce titan, le "Death Rap" de Necro fait pâle figure. Prince Paul, RZA, Poetic & Frukwan sont vraisemblablement habités par les feux de l'enfer. Ils adoptent un ton ardent, décalé, et délicieusement ironique. Il est d'ailleurs à se demander si cela n'a pas inspiré l'attitude du controversé Slim Shady. La cerbère à 4 têtes crache des textes aussi horrifiques que soignés.

Véritables ambassadeurs de la grande faucheuse, ils prodiguent des conseils drôles et imagés : " Confront an alligator, let it eat ya raw " ; " Or be like Richard Pryor set your balls on fire ". Les métaphores morbides fourmillent, et les références au cinéma d'épouvante aussi. Des ténors du genre comme Hitchcock ou Leatherface sont ainsi cités : "And get chopped in the blocks from hitchcock. The birds, my mental ward is my brainstorm. Somehow I flipped and came equipped with a chainsaw".

Les 17 pistes à parcourir sont variées et tire le concept de la mort jusqu'à son dernier souffle. Le standard téléphonique "1-800 Suicide" détaillera milles et une façon de se suicider, le procès médiatisé "Diary of a Madman" retracera les traumas d'un meurtrier, tandis que "Nowhere to Run, Nowhere to Hide" fredonnera les joies de la traque.

Exagérer la mort et la violence pour mieux la dénoncer? Peut-être. S'en moquer, assurément : "Hey you little rich kid, what's your beef? Come and tell the Grym Reaper all of your grief. You asked for a Benz and you only got a Jeep. [...] There's no need to cry cuz we all die".

Petit talon d’Achille, les tracks se suivent mais les instrumentaux sont d'une dissonance dérangeante. "Mommy, what's a gravedigga?" évoque l'appaisé 2 Pac puis laisse place à "Bang your head" qui emprunte beaucoup au rythmique type des enragés d'Onyx. Accoudées, certaines mélodies attendues sont bien présentes et proviennent tout droit d'un extrait des griffes de la nuit. En somme, c'est la boîte de pandore : il y a du lent, du semi-lent, du rapide, du livide et du coloré. Une association hétéroclite, dont l'absence de transition sabote la cohérence.

Cependant, il faut quand même louer l'objectif d'être cafardeux sur des musiques qui ne s'y prêtent pas forcément. De plus, considérés individuellement, les morceaux n'ont pas grand chose à décrier.

Nul besoin d'avoir le couteau sous le gorge, l'auditeur infiltrera volontiers l'univers glauque du groupe New Yorkais. Un disque intelligent et inventif comme le hip hop en fait rarement. 6 Feet Deep prouve que c'est parfois dans les vieux os qu'il y a les meilleurs soupes.
Un squelette qu'il faut absolument sortir de terre.
JulianDesjardin
8
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le 6 sept. 2013

Modifiée

le 6 sept. 2013

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