En juin 2004, John Frusciante sort son sixième album studio en solo, déjà le deuxième de cette seule année. Il annonce par la même occasion que ce disque n’est que le premier d’une saga de 6 albums en tout, enregistrés de décembre 2003 à mai 2004, durant la pause post-By The Way Tour des Red Hot Chili Peppers. Le dernier paraîtra début 2005, parachevant la période la plus faste de la carrière de Frusciante.



« My objective was to record as many songs as I could during the break that I had from the Chili Peppers tour. In the midst of doing that, I was writing some of my best songs, so some of these albums have as many new songs as old songs. It was definitely the most productive time of my life. »



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Chapitre 5 : A Sphere in the Heart of Silence



Alors qu’on aurait pu penser que le très brut Inside of Emptiness allait asseoir durablement son empreinte sonore sur la suite de la série d’albums, son successeur rebat totalement les cartes. Et de quelle manière. A Sphere in the Heart of Silence n’a rien à voir avec son prédécesseur, ni avec aucune des autres productions de John Frusciante d’ailleurs : il n’est ni plus ni moins que son premier album électro.



« Back when we were writing Shadows [with Josh] we were discovering so much about electronic music and albums like Amnesiac, Vespertine and Confield were all coming out at that time which were opening our minds to the infinite possibilities of that realm. »



Ce cinquième épisode, qui sort en novembre 2004, est signé des mains jointes de John et Josh Klinghoffer, pour la première fois crédité explicitement sur le devant de la jaquette. Et pour cause : l’album est une véritable collaboration d’égal à égal, les deux artistes s’y partageant équitablement l’écriture et l’interprétation. Comme John Frusciante le rappelle, la moitié des chansons de ce disque expérimental de 40 minutes étaient destinées Shadows Collide with People, pour être finalement rejetées afin de respecter la ligne plus ‘songwriting’ de cet album.


C’est le cas the The Afterglow par exemple, écrite par Josh Klinghoffer et qui sonne presque comme un remix tant les mondes de la musique électronique et du songwriting façon Frusciante s’y retrouvent mêlés. C’est ce dernier qui se charge du chant, très rythmé, tandis que deux basses et deux guitares se superposent dans une atmosphère pleine de textures, à la fois si actuelle et terriblement vintage dans les sonorités.



« After a few months making raw and stripped down music we decided to go back to making more layered, richly textured electronic music. It was still recorded as if it were 1970, but with modern electronic instruments that didn’t exist back then. »



La première moitié du disque s’inscrit dans cette veine, avec une grande richesse sonore et beaucoup de couches. Mais si The Afterglow s’apparentait presque à un hybride électro-rock, ses deux voisines Sphere et Walls sont bien plus extrêmes et dégagent une étonnante spontanéité qui ne doit rien au hasard. La première est une refonte d’une composition instrumentale prévue pour le live et qui durait initialement une demi-heure ; tronquée à moins de dix minutes en vue de l’album, elle ouvre ce dernier sur une longue séquence de synthétiseur à laquelle viennent progressivement s’ajouter boîte à rythme et guitare électrique.


Si Sphere est un véritable inédit dans le répertoire de Frusciante, on retrouve sur Walls un beat évoquant certaines rythmiques de To Record only Water for Ten Days. Composée en 15 minutes avant une représentation live, elle respire de facto l’énergie de l’instantané ; le texte, vociféré par John, fut d’après lui écrit en direct pendant la mise en boîte de la drum machine. Walls clôt la première moitié de l’album en cohérence avec ce qu’annonçait John Frusciante : une musique électronique brute, déstructurée, à la croisée des chemins.



« It’s electronic music, but much more raw. […] There are some techno things with punk-rock-type screaming vocals. »



Quand soudain, le contre-pied. A Sphere in the Heart of Silence prend un virage à 90° à mi-course, lorsque dans la brise résonnent les premiers accords de Communique. On sort de l’univers électro sauce Radiohead pour se rapprocher bien plus du post-rock de Sigur Rós, une impression à laquelle la voix suave de Josh Klinghoffer n’est évidemment pas étrangère. Ce quatrième titre a la particularité d’avoir été enregistré en direct, une performance extrêmement rare de nos jours ; selon les mots de John Frusciante, c’est une de ces chansons qui aura nécessité autant de temps pour être enregistrée que pour être écoutée. Une prise parfaite, sans retouches, pleine d’émotion ; sans doute l’un des moments les plus intenses du disque.


At Your Enemies puis Surrogate People, toutes deux écrites à l’époque de Shadows Collide with People, viennent ensuite confirmer cette tendance résolument plus aérienne et mélancolique. C’est avec plaisir que l’on assiste à la pleine expression de Josh, qui pilote entièrement cette deuxième moitié d’album, Frusciante ne venant l’épauler que par des chœurs sporadiques. Il ne reprend le flambeau qu’à la fin de Surrogate People, comme un symbole, dans une conclusion de ce bel échange entre les deux artistes.


La très courte My Life referme cette riche parenthèse expérimentale à la manière d’un bonus track. Comme Communique, elle fit l’objet d’une unique prise non éditée ; on peut d’ailleurs entendre les pas John qui retourne dans la control room à la toute fin du morceau. Une bien belle manière de conclure cet album si unique et singulier : comme pour souligner le caractère éphémère de ce disque qui respire, John Frusciante nous invite-là à le suivre vers la suite de son odyssée. « Thanks for listening. More to come. »


Sources : invisible-movement.net

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le 28 août 2016

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Jambond

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