Albert's House
6.6
Albert's House

Album de Chet Baker (1969)

Chet Baker – Albert's House (1969)


Chet n’est pas un ange, non, non. Il en a fait des conneries, plus qu’à son tour, pas des graves en tout cas, rien qui puisse l’envoyer très longtemps derrière les barreaux. De la dope, beaucoup de dope, et trouver l’argent pour se l’offrir, ça peut vous foutre en l’air, quand on a vendu pour la nième fois son instrument de musique, son instrument de survie…


C’est arrivé en 1966, à San Francisco, trop de passage derrière les barreaux, trop de dépendance à l’héro, et cette affaire qui a mal tourné, des dealers lui ont cassé les dents et fracturé la mâchoire, dur quand on est trompettiste, bon cette histoire tout le monde la connait, mais en fait, c’est l’après qui est absolument extraordinaire, cet homme qui se relève et joue d’une façon si sublime…


Les années sont passées, trois entières, avant qu’il ne puisse retourner en studio, pour que cet album paraisse, précisément celui-ci, en soixante-neuf. Alors forcément, il fait parfois un peu peine, Chet, ici. Oui, c’est certain, c’est pas avec cet album qu’on va grimper au rideau, ni danser la troïka. Mais on retiendra que c’est l’album du retour, une étape nécessaire dans la reconstruction, avec quelques-uns qui sont là, pour que ce soit possible.


Ceux de Beverly Hills, le label, déjà. Mais aussi Steve Allen, qui a apparemment organisé la session, et apporté avec lui onze des douze titres qui figurent ici. Rien d’exceptionnel les compos, du basique, des romances, des titres qui filent, quand l’ascenseur monte et redescend. Des musiciens aussi, Paul Smith qui joue du piano et de l’orgue, sans doute n’aide-t-il pas l’album à sortir de la naphtaline, mais ce n’est pas grave, c’est cool quand on monte et qu’on descend.


Il y a aussi Barney Kessel, qui a encore tous ses doigts, et qui est génial ici, quand on l’entend. A la rythmique il y a Frank Capp à la batterie et Jim Hughart à la basse, ils font le boulot, sans génie mais avec sérieux. Et puis il y a Chet qui a perdu les sons aigus de sa trompette, et qui se cantonne aux sons graves, il réapprend, refait le long chemin, on entend les hésitations, qu’il doit être difficile de réajuster la fertilité de l’imagination à l’étroitesse des moyens.


Cet album est peut-être le plus touchant de Chet, il suffit qu’il soit là pour que l’album ne soit plus banal, ni même oublié, car c’est l’album de l’espoir, de la petite graine qui pousse par la volonté d’un homme qui lutte pour que la vie soit possible. Il faudra encore attendre, avant qu’un jour Chet ne remonte sur scène, en 1973, et qu’il nous éblouisse encore et encore, avant la rechute…

xeres
8
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le 23 mai 2023

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