Enregistré à Paris, France, Novembre-Décembre, 1969
1. "The Lowlands" - 18:33
2. "Howling In The Silence: (a) Raynes Or Thunders (b) Julio's Song" - 21:40
• Archie Shepp : saxophone ténor , piano,
• Philly Joe Jones : batterie
• Anthony Braxton : saxophone soprano , saxophone alto
• Chicago Beau : saxophone soprano, harmonica , chant
• Julio Finn : harmonica, voix
• Leroy Jenkins : violon
• Earl Freeman : basse , chant
La chronologie voudrait qu’entre le précédent et celui-ci s’intercale le morceau Pitchin Can issu des mêmes sessions que Black Gipsy, mais l’album éponyme sur lequel il figure sortira en 1970 en compagnie d’ une longue suite elle-même enregistrée pendant l’été 70 .
Ce disque est cosigné par le batteur Philly Joe Jones qui côtoie Archie Shepp depuis plusieurs albums, il est en quelque sorte l’emblème de l’ancienne génération, celle des précurseurs, lui qui a côtoyé tous les grands du be bop et les a accompagnés pendant cette première grande révolution artistique du jazz ! Il est même devenu membre à part entière du quintet mythique de Miles Davis et John Coltrane ! Le voici, aux côtés d’Archie Shepp, représentant en quelque sorte l’histoire et les racines, si importantes aux yeux du saxophoniste. Mais il est une autre génération présente celle de l’avenir et de la relève, Anthony Braxton l’incarne à merveille, ainsi que Leroy Jenkins, déjà présent sur l’album précédent. Ce groupe de musiciens emblématique de plusieurs générations va se réunir autour d’un projet musical réuni autour du free jazz et du blues.
The Lowlands que l’on pourrait traduire pas Basse-Terre, comme en Guadeloupe, représente, d’après les notes de pochette, un portrait musical de la vie dans les ghettos et les communautés noires du Sud. L’album commence par des cris « car les cris sont une manifestation certaine de la vie ».
Ici la musique est donc plus revendicatrice, plus en colère que sur les enregistrements précédents. Les accents les plus free succèdent aux déclamations, une improvisation collective libère les tensions autour du saxophone d’Archie Shepp, puis un thème prend forme, se répète avec l’alto et enfin se structure autour des déclamations du Chicagoan… Le blues de Chicago Beau (aka Chicago Beauchamp) et Julio Finn se montre donc plus sauvage, les harmonicas se mélangeant l’un, l’autre, en une même sonorité lourde et répétitive.
Le jeu de batterie de Philly Joe Jones se concentre autour des tambours, contrairement à Sunny Murray qui formait un mur de cymbales, ici les rythmes sont marqués de façon plus classique, avec des évolutions plus libres à certains moments, lors des changements de tempo qui mettent en évidence la voix et le cri. Le morceau s’étire avec peu de variations, Archie Shepp développe un très long solo de saxophone sur la plus grande partie du morceau, au centre du spectre sonore, en compagnie d’Earl Freeman et de sa basse. A droite, on entend les improvisations de Leroy Jenkins au violon, qui font écho aux harmonicas qui occupent le canal gauche, rejoints bientôt par Anthony Braxton.
Howling In The Silence est une composition en deux parties dont le thème est l’amour et la difficulté de l’exprimer. La première partie, Raynes Or Thunders, est jouée de façon très sensible, tout en délicatesse et même à fleur de peau. Archie Shepp au piano est stupéfiant, non pas par sa virtuosité mais par l’extrême justesse avec laquelle il réussit à émouvoir. Dans un registre lyrique Leroy Jenkins se montre lui aussi un partenaire à la hauteur, véritable alter égo de Shepp, tandis qu’Anthony Braxton retrouve une influence Coltranienne sur le mode de la quête. La section rythmique est vraiment sans faille et la basse contribue par sa rondeur et sa profondeur à la réussite de cette pièce qui se révèle en fait une véritable peinture de notre monde intérieur, entre drame et passion. Le beau texte d’Augustus Arnold a trouvé en la personne de Chicago un interprète idéal.
Un petit solo de batterie de la part de Philly Joe Jones marque l’articulation entre les deux parties de la composition. Julio's Song est un blues qui s’inscrit dans la tradition de Chicago. La lecture est évidemment libre et prétexte à de magnifiques solos qui en font toute la saveur, saxo, basse, violon, piano, soprano enchaînent une succession d’improvisations brillantes et jamais ennuyeuses, confirmant la parfaite tenue de cette seconde face.
Sans s'avérer certes essentiel, cet album ménage quelques très bons moments.