Voilà qui ne nous rajeunit pas. Cela fait 10 ans que le premier Bang Ya Head est sorti, depuis devenu série de compilations aux dates aléatoires, mais toujours attendues de pied ferme par les fans. Bang Ya Head 4 est donc là pour nous rappeler que MED est toujours aux commandes de son navire.
Lorsqu’on traîne dans les entourages du mythique label de L.A. Stones Throw, difficile de ne pas recevoir chaque jour mille influences et mille bonnes idées de mille génies qui gravitent autour de soi. Cela fait maintenant 10 ans que MED s’amuse à se lancer dans des entreprises aussi soudaines que géniales. 3 ans après Bang Ya Head 3, le producteur et MC (impossible de ne pas avoir plusieurs casquettes dans cet univers) revient avec une quatrième itération de ses projets surprises. 10 titres, 32 minutes : on est partis.
Rectification. Du total qu’on vient de citer, il faut soustraire trois titres et un peu plus de 8 minutes. Non pas qu’on en boude certains, mais les trois derniers éléments de la tracklist constituent en réalité deux instrumentaux, ceux des deux premiers morceaux, et un a capella, celui du titre d’ouverture. Ceux du fond décrochent déjà ? Tant pis pour eux. Même amputé d’un peu de longueur, on lance Bang Ya Head 4 avec la confiance. C’est qu’une déception de MED, c’est quand même peu courant.
On se demanderait presque si l’album a été fait en studio ou dans une grosse Cadillac cuivrée, aux roues polies, aux enjoliveurs bien trop travaillés pour leur fonction, réalisant dès que possible quelques rebonds de lowriders. Dès lors, la pochette devient évidente. Le logo symbolique des Bang Ya Head devient l’emblème d’un moteur qui ronronne avec force dans nos oreilles. Il n’y a qu’à entendre comment « Complicate », avec la langoureuse Jimetta Rose (MED, Blu, Talib Kweli et l’éternelle Erykah à son compteur d’associations), se targue de ses influences évidentes, de ses lourdes fréquences et d’un beat à s’en faire rebondir contre du marbre.
Finalement, on pourra pousser les neurones jusqu’à en crever, la meilleure manière de décrire le morceau reste celle énoncée par Jimetta elle-même. « Complicate », c’est être « Stuck In A Daydream », être coincé dans un songe. Sans jamais chercher à en sortir.
Causalité réussie
Quand on parlait plus haut de musique de Cadillac, l’analogie était en réalité plutôt guidée. En même temps, difficile de faire meilleure dénomination que « Caddy Music » pour en décrire les ondes. Déjà évoqué chez nous lorsque le titre est sorti en promotion de Bang Ya Head 4, inutile de réinventer la roue. Le morceau pue la classe, à tous les niveaux. Bombay se surpasse comme jamais, signe sûrement l’un des meilleurs titres de sa vie, à la fois savamment taillé et patiemment construit. Une merveille.
Que serait un album de MED sans un son futuro-alternatif ? Le producteur sait pertinemment qu’une bonne partie de son public l’attend sur ce point, et ne déçoit pas en assumant ses responsabilités dès le premier titre, « Heaven Stairwell ». Guilty Simpson et Kokane ont champ libre, et même s’ils avaient la diction de PNL, ils ne pourraient pas se foirer. Elle est là, la force phénoménale de MED, le pourquoi de tant de collaborations : le mec met bien. Tout simplement. Il n’y a qu’à voir comment « Peroxide RMX », qui tient surtout son suffixe d’un rappel des précédents opus plutôt que d’une vraie continuité au morceau de 2014 avec Dam-Funk, accueille bras et basses ouverts Blu et Mibbs (connu pour sa participation, de près ou de loin, à la constellation Pac Div), avec un bon petit refrain façon brass band des familles.
S’il ne cale sur Bang Ya Head 4 qu’un seul petit instrumental de moins de deux minutes, « Joy Road », qu’on verrait bien en outre faire la clôture d’un vieux Spike Lee pré-millénaire, il remplace les habituels voyages sonores par deux morceaux plus agressifs, « Run » et « Where They At ». Sur le premier, en compagnie d’Alchemist et Oh No, le jeu d’écho littéral répond à celui entre les trois artistes. Il ne manquerait presque qu’un Action Bronson pour venir éclater le tout contre un mur, et on aurait un clip pas dégueu. Le second, son thug assumé, est un peu moins réussi, là où MED réussit à produire un son d’entre-deux, mais échoue un peu dans l’adaptation de son flow. Mais bon, les boutons suivants sont là pour ça, et puis juste après, on tombe sur « Caddy Music ». Rien de grave, pas de bobo.
Si la fin du monde était emplie de basses et de percussions syncopées, si Mad Max était funky plutôt que cette saloperie d’esprit métalleux à deux balles, il écouterait MED et son Bang Ya Head 4. Mis à part un ou deux morceaux un peu en dessous de la moyenne, l'album est composé de sacrées pépites qui tournent cent fois en boucle avant de passer à la suivante. Léger et lourd à la fois.