Pourtant... Que la rouille est beeeeelleuh
C'est vraiment par hasard que j'ai découvert la musique de cet album, tout comme il fut un hasard que je tombe nez à nez sur le film que cette bande-son accompagne.
2001. Suite à la compilation de la dernière décennie, Neubauten sort dans la foulée une bande originale. Je n'ai pas souvenir que Neubauten ou même Bargeld se soient essayés auparavant à l'exercice de combiner image et son. Bargeld tentera de multiplier les supports à partir de là - et voir d'autres têtes par voie de conséquence (il me semble !). Il y avait bien les clips d'Ishii mais... ce n'est pas la même chose.
Ce n'est pas la même chose. Dans Berlin Babylon, l'interdisciplinarité et la collaboration sont de mise. Une profonde harmonie émane de ce documentaire qui épouse à merveille la nature même de Neubauten.
Tantôt, Neubauten réadapte une chanson comme Befindlichkeit, parfois il crée un bijou, inspiré par le projet (Architektur ist Geiselnahme). Ce film conforte Neubauten dans son orientation artistique, à la recherche d'un épanouissement optimal et non plus réduit sur lui-même. Comme la ville qui éclot de nulle part, Neubauten construit l'irréversible histoire de ce qui l'anime.
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J'ai fait une traduction de Die Befindlichkeit des Landes que je partage ici :
"De l'autre côté du terrain cicatriciel
Disparaissant lentement,
Seule la douleur fantôme persiste.
A peine audible, un rire s'échappe
de la boîte d'information rouge*,
faisant se retourner certains, sans bruit dans leurs ruines.
rien d'autre que de futures ruines,
du matériau pour la prochaine strate (une couche de terreau pour les prochaines constructions)
la mélancolie
flotte au dessus de la nouvelle ville,
et du sol
au-dessus des centres de contrôles**
au dessus des terrains vagues bétonnés
du nid secret des bunkers
refusant d'être effacés (comme la craie d'un tableau)
"Marlène, rentre à la maison !"
De même au-dessus de la place Marlene Dietrich
Les nouveau temples sont déjà fissurés
de futures ruines
Un jour l'herbe recouvrira aussi la ville
au-dessus de sa dernière couche
refrain
Dans le ciel lacéré,
traversé de part en part par le défilé des avions de chasse,
elle est suspendue les ailes déployées
sans repos et avec un regard figé
fixe les décombres
derrière elle le futur s'accumule
doucement elle s'envole toujours plus haut
pour finir par regarder l'étendue
quel est l'état d'âme des sols ?"
*(sur leipziger platz, une architecture a été dressé, des containers rouges qui donnaient sur postdamer platz pour observer les travaux. Ces boîtes ont disparues en 2001).
**(nerveux ou ramifications architecturales/ tentaculaires régies par un centre style autoroutier ou poste frontières ou tour de contrôle)
Tout ça pour dire que cette musique qui rampe, qui serpente entre nous est avant tout un tableau, ou plutôt une multitude de tableaux qui se juxtaposent, qui stratifient les mémoires. Cette musique a donc en fond cette volonté de progression. La voix de Bargeld, elle, serpente sur cette arrière-plan tandis que des percussions ressemblant au xylophone percent, se greffent sur cette progression.
Dans Befindlichkeit des Landes plus que dans Architektur ist geiselnahme, on retrouve cette idée de progression mais aussi en deuxième mouvement, une saccade brutale et saturée. Elle me donne l'impression d'un travail grossier et massif qui s'exécute contre l'inéluctable cumul de l'Histoire.
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Voir aussi ma vision du film : http://www.senscritique.com/film/Berlin_Babylon/critique/16351266
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