Black Gipsy
6.8
Black Gipsy

Album de Archie Shepp (1970)

" Black Gypsy, un cd où j’apparaissais en sideman, quoi qu’important, et qui est miraculeusement ressorti sous mon nom, œuvre du producteur Pierre Jaubert, sans contrat encore une fois ! "

Dave Burrell (piano), Archie Shepp (saxophone soprano), Clifford Thornton (trompette), Noah Howard (saxophone alto), Julio Finn (harmonica), Leroy Jenkins (violon), Earl Freeman (contrebasse), Sunny Murray (batterie), Chicago Beau (chant).

Après la période BYG, Shepp va enregistrer pour America, un autre petit label français. Son voyage dans le nord de l’Afrique a suscité chez lui une boulimie créatrice et il enchaîne les enregistrements, celui-ci est le cinquième en quarante jours. Cette euphorie musicale a marqué, en même temps qu’un retour sur le continent originel, un retour au blues, à la négritude, aux racines. « Blasé » n’est déjà plus un album de free Jazz, il écrit une autre histoire qui va se prolonger avec Black Gipsy et au-delà jusque dans les orchestrations plus sophistiquées d’Attica Blues. Mais il est des pas plus intenses et prometteurs que le but lui-même.

Black Gipsy est une composition signée Augustus Arnold/Chicago beau, elle occupe la première face de l’album. Après une introduction mélodieuse que l'on doit au violon de Leroy Jenkins la section rythmique se lance dans un long périple de près de vingt-six minutes. La pulsation est régulière et Sunny Murray marque le tempo avec une régularité qui prouve à ses détracteurs que ça aussi, il sait le faire. Le jeu des cymbales est toujours foisonnant et le feu couve, c’est sûr. Earl Freeman tient lui aussi la maison et assure une pulsion rythmique en béton, accueillant les différents intervenants dans un confort sécurisant. Dave Burrell se cantonne à nouveau dans un rôle rythmique de métronome
Chicago Beauchamp est le récitant, il déclame ses vers sur la musique, rendant hommage au « Black Gipsy », ce gitan épris d’amour et de liberté, cette liberté dont il faut en avoir été privé pour bien en connaître le prix. Le violoniste Leroy Jenkins est un membre de l’AACM, tout comme les membres de l’Art Ensemble de Chicago, il vient donc naturellement porter son concours sur cet album. Son intervention est importante, il apporte avec lui une atonalité acide au caractère très free, ses solos aux sonorités éraillées colorisent fort à propos l’enregistrement en lui donnant un aspect âpre et rugueux, le chemin de la liberté est épineux.

Julio Finn joue lui aussi les troubles fêtes avec son harmonica qui suinte le blues, Clifford Thornton ménage de forts bonnes interventions à la trompette tandis que N**oah Howard** joue des dissonances avec son alto, en écho au violon déjanté.
Archie Shepp se présente dans un rôle inhabituel, fondu dans l’orchestration, il porte une nouvelle voix, celle du saxophone soprano, duquel il joue sur tout l’album. Le phrasé est toujours le même, d’une incroyable beauté, chacune des interventions est un bonheur, il semble répondre par ce son si « coulé » à la hardiesse du violon, équilibrant à lui seul les interventions des autres instruments à vent.

Epitaph of a small Winner est une suite en trois parties composée par Chicago Beauchamp et Julio Finn. La première partie se nomme Rio de Janeiro, la seconde Casablanca et la troisième Chicago. Ces lieux sont riches de souvenirs ou d’endroits que Julio Finn a connus ou rêvés. Le petit gagnant dont il est question dans le titre « r*eprésente tout ceux qui après avoir tout dit et tout fait, se retrouvent pratiquement sans rien* » (Julio Finn).

Comme il se doit le morceau évoquant Rio est rythmé et joyeux, toutefois on y entend aussi une touche de blues et une pointe nostalgique. Les instruments répètent inlassablement le thème à six notes d’où s’échappent les solistes à tour de rôle. Sunny Murray est toutefois la grande figure de ce Rio tant il étale avec brio un tapis multi-rythmique qui s’impose à l’avant du morceau, maintenant avec force les accords stimulants du piano de Dave Burrell.

Avec Casablanca c’est l’Orient rêvée qui arrive, les solos se déclinent en lignes empreintes au folklore oriental, le climat se fait calme et l’atmosphère mystérieuse. Puis tout glisse vers le blues et nous voilà à Chicago, la trompette de Clifford Thornton crie, Julio Finn et son harmonica répètent invariablement la mélodie, et les vents dessinent la même répétition rythmique.

Un bel effort collectif entre blues, free et marches. Encore un excellent album.


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Une actualisation de cette chro:


Archie Shepp, Chicago Beau ‎– Black Gipsy (1970)


Ce disque est cosigné par le batteur Philly Joe Jones qui accompagne Archie Shepp depuis plusieurs albums, il est en quelque sorte l’emblème de l’ancienne génération, celle des précurseurs, lui qui a côtoyé tous les grands du be bop et les a accompagnés pendant la première grande révolution artistique du jazz ! Il est même devenu membre à part entière du quintet mythique de Miles Davis et John Coltrane !


Le voici, aux côtés d’Archie Shepp, représentant en quelque sorte l’histoire et les racines, si importantes aux yeux du saxophoniste. Mais il est une autre génération présente également, celle de l’avenir et de la relève, Anthony Braxton l’incarne à merveille, ainsi que Leroy Jenkins déjà présent sur l’album précédent. Ce groupe de musiciens emblématiques de plusieurs générations va se réunir autour d’un projet musical qui réunit free jazz et blues.


Sur « The Lowlands » que l’on pourrait traduire pas Basse-Terre, la musique est revendicative, en colère. Les accents les plus free succèdent aux déclamations, une improvisation collective libère les tensions autour du saxophone d’Archie Shepp, puis un thème prend forme et se structure autour des déclamations du Chicagoan… Le blues de Chicago Beau (aka Chicago Beauchamp) et Julio Finn s’avère irréductible, au son des harmonicas qui se lient.


Le jeu de batterie de Philly Joe Jones se concentre autour des tambours, contrairement à Sunny Murray qui formait un mur de cymbales, ici les rythmes sont marqués de façon plus classique, avec des évolutions plus libres à certains moments, lors des changements de tempo qui mettent en évidence la voix et le cri.


Le morceau s’étire avec peu de variations, Archie Shepp développe un très long solo de saxophone sur la plus grande partie du morceau, au centre du spectre sonore, en compagnie d’Earl Freeman et de sa basse. A droite, on entend les improvisations de Leroy Jenkins au violon, qui font écho aux harmonicas qui occupent le canal gauche, rejoints bientôt par Anthony Braxton.


« Howling In The Silence » la seconde et dernière compo de l’album occupe toute la face B est divisée en deux parties, l’amour et la difficulté de l’exprimer. La première partie, « Raynes Or Thunders », est jouée de façon très sensible, tout en délicatesse, quasi à fleur de peau. Archie Shepp est au piano, dans un registre lyrique Leroy Jenkins se montre en véritable alter égo de Shepp, tandis qu’Anthony Braxton ressuscite le son de Trane, sur le mode de la quête. Le beau texte d’Augustus Arnold a trouvé en la personne de Chicago un interprète idéal.


Un petit solo de batterie de la part de Philly Joe Jones marque l’articulation entre les deux parties de la composition. « Julio's Song » est un blues qui s’inscrit dans la tradition de Chicago. La lecture est évidemment libre et prétexte à de magnifiques solos qui en font toute la saveur, saxo, basse, violon, piano, soprano enchaînent une succession d’improvisations brillantes et jamais ennuyeuses, confirmant la parfaite tenue de cette seconde face.


Cet album de soixante-dix a l’honneur de figurer sur la sélection FJMt° qui nous guide ici, après la longue série des Impulse d’où émergent « Fire Music », « The Magic Of Ju-Ju » et « Attica Blues » à venir. C’est le choix de « l’à côté » malicieux et clin d’œil aux merveilles de Shepp : « Blasé » en tête, « A sea of faces », « Mariamar », « Jazz A confronto 27 », « Force » avec Max Roach, « Going Home » avec Horace Parlan, « The tradition », « Here Comes the Family » avec Family Of Percussion , « African Moods » avec Jeanne Lee, la liste n’en finit pas et j’en passe, jusqu’au dernier « Let My People Go » en compagnie de Jason Moran.



xeres
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Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Archie Shepp et "Ils voyagent en solitaire..."

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le 12 sept. 2023

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