Mélodies pour trous noirs et explosions nucléaires
Même avec la meilleure volonté du monde, il faut parfois reconnaître que certains disques, certains genres musicaux en fait, s'adressent à un marché de niche. Parmi ces genres qui semblent s'adresser à un public ultra-spécifique, la musique ambient. Ou plutôt le résultat de la digestion de la musique ambient par le reste de la musique électronique et ce qui en ressort. Les dernières années ont vu la montée en puissance de Oneohtrix Point Never et ses nappes de synthé dont l'invitation au rêve rappelle allégrement Boards of Canada, mais dont l'absence (souvent) de rythme rappelle qu'on n'a pas à faire à une variante dégénérée du hip hop.
Dans la famille Ambient en 2012, je demande maintenant Blanck Mass et son premier album éponyme.
Si vous aimez que la musique vous inspire des sensations telles que des explosions nucléaires, des voyages spatiaux, des couchers de soleil (mais sur d'autres planètes), des feux de camp iridescents ou le développement de structures protéiformes en géométrie non euclidiennes, alors vous ne serez pas dépaysés par Blanck Mass, vous savez à quoi vous attendre. Si tout cela ne vous inspire rien, alors vous n'êtes pas le coeur de cible du marché de niche évoqué dans le premier paragraphe.
Ce qui est très intéressant avec Blanck Mass et ce premier album, c'est l'impression de puissance parfois un peu terrifiante qui s'en dégage. Je ne peux pas m'empêcher de faire le parallèle avec Mogwaï même si musicalement il n'y a rien à voir. Enfin, il faut faire un effort d'imagination pour concevoir Mogwaï et sa puissance sans guitare saturées ni sections rythmiques. Blanck Mass évoque aussi le son dense d'une autre sensation électronique, le duo britannique Fuckbuttons dont les albums 'Street Horssing' et 'Tarot Sport' arboraient déjà une coloration ambient entre mille autres.
Ces deux références à Mogwaî et Fuckbuttons ne sont pas anodines car quand on creuse un peu le sujet on découvre que Blanckmass c'est la moitié de Fuckbuttons signée sur le label de Mogwaï.
Que retenir de ce 'Blanck Mass' alors? Le disque atteint sans mal sa fonction première en dessinant des paysages sonores denses aux confins du rêve, de la contemplation, des mélodies pour d'autres cieux. Blanck Mass rappelle énormément les sonorités terrifiantes de Fuckbuttons. Cependant ce premier album laisse parfois un goût d'inéchevé dans la bouche. Si des morceaux comme Sundowner, Chernobyl et What You Know sont d'excellente facture, l'album souffre d'une impression de ventre mou avec des chansons moins inspirées, moins travaillées, moins abouties... et c'est dommage car j'aurais adoré parler d'un très bon album, il faut se contenter d'un bon album.
Cela dit, écoutez Blanck Mass en attendant un retour de Fuckbuttons ou de Blanck Mass pour de la musique toujours plus terrifiante.