Keith Tippett – Blueprint (1972)
Après la volubilité et le grandiose « Septober Energy » de Centipede, dont je vous avais parlé il y a quelques temps, keith Tippett est revenu vers plus de modestie, plus de mesure et même, pourrait-on dire, plus de silence et de recueillement, pour cet album produit par Robert Fripp lui-même.
La musique est improvisée dans sa totalité, entièrement acoustique, elle est un geste, quelques mouvements, beaucoup d’écoute, de concentration et d’immersion pour créer et bâtir des mondes sonores nouveaux. Ils sont cinq qui parfois se relaient, keith Tippett au piano est le seul musicien qui figure sur les six compositions.
Julie Tippetts, née Julie Driscoll, chante et joue de la guitare et même de la mandoline sur « Blues II », Roy Babbington de la basse et Keith Bailey ainsi que Frank Perry des percussions. Ainsi les pièces sont réparties entre duo et quartet.
Elles sont très diverses et d’une accessibilité différente, les deux premiers thèmes sont assez faciles d’accès et même assez addictifs. « Song » qui ouvre l’album est très mélodique, enlevé et assez jazzy, un titre qui marche bien. « Dance » qui lui succède est encore plus « fielleux » avec cette guitare qui bat et autour de laquelle tout s’articule, jusqu’à une sorte d’explosion extatique, c’est un des sommets de cet album.
Le silence fait son entrée avec la troisième pièce, « Glimpse » et devient même moteur de la cinquième pièce « Woodcut », ces deux pièces partagent en commun cette communauté silencieuse qui ne rend pas l’écoute des plus faciles, en plongeant les auditeurs dans la musique contemporaine ou d’avant-garde.
Woodcut est particulièrement aride par sa longueur, presque treize minutes où tout se joue sur des sonorités, souvent fluettes qui emplissent l’espace à bas bruit, d’ailleurs le silence n’est souvent que faussement présent, réfugié dans le manque d’intensité. Il semblerait qu’une bande magnétique intervienne également. A un certain moment, lorsque vos sens sont endormis et que votre imagination vagabonde, à la chasse aux vibrations les plus ténues, avec des silences de plus en plus présents, un vacarme tout à coup se produit, et le corps sursaute, surpris par cette perfidie…
Et puis il y a « Blues I » en quatrième position et « Blues II » qui termine l’album, des pièces simples et agréables, la première est toute en rondeur et mollesse, rythmée, mais au ralenti, avec des dialogues entre les musiciens qui échangent, j’aime beaucoup, mais ça n’a l’air de rien.
« Blues II » est également très chouette, avec cette mandoline, très dans l’esprit de l’album, avec ce temps qui prends son temps. Ensuite l’intensité gagne et nous sort de la torpeur, sans doute pour nous signifier que c’est fini.
Sans doute pas un album majeur de la part de Keith Tippett, mais de jolies choses un peu partout, quelques surprises aussi, de quoi passer un agréable moment, un jour de pluie, ou un jour de grosse chaleur, les deux vont bien.