Abdul Wadud – By Myself (2023) – FJ/Mt°
Cet enregistrement date de mille neuf cent soixante-dix-sept et le voici réédité pour la première fois. Abdul Wadud fait partie de ces musiciens obscurs dont n’entendent parler que ceux qui cherchent un peu et aiment à aller où d’autres ne vont pas. Sa réputation est grande parmi les musiciens, ceux qui le connaissent ne tarissent pas d’éloges, et ceux qui l’ont entendu s’en souviennent toujours.
Il est né dans une famille de musiciens, au milieu de onze frères et sœurs, l’un deviendra tromboniste, l’autre chanteur d’opéra, un autre sera guitariste et un autre encore collectionneur réputé de vinyle. Pour Abdul ce sera le violoncelle, il l’étudia à partir de l’âge de neuf ans, lui aurait préféré le saxophone, mais voilà, son professeur de musique avait besoin d’un violoncelliste, il fera l’affaire…
Il était doué, récoltait les diplômes, il aurait pu faire une carrière de joueur classique, mais voilà à Cleveland on aime le jazz et Abdul fréquente le Black Unity Trio. Pendant la période des lofts il se fait connaître et gagne une solide réputation, petit à petit il délaisse la musique classique et devient une figure de la scène jazz New-Yorkaise.
On voit en lui, comme l’indique Philippe Robert dans Free Jazz Manifesto, « le premier violoncelliste à part entière de l’avant-garde afro-américaine », cet album-ci est d’ailleurs retenu dans la prestigieuse sélection. Le tirage original de l’album, réalisé par Abdul Wadud lui-même, est estimé à mille copies ou moins, ce qui en fait évidemment une rareté. Cette réédition est donc une bénédiction !
Les bandes originales ont été utilisées pour ce nouveau tirage, malheureusement une altération existe sur « Happiness » qui clôt l’album, mais le travail de restauration est impressionnant. Abdul Wadud nous a quittés en août deux mille vingt-deux, il n’a pas pu réceptionner ce bel album, mais en a supervisé la réalisation tant qu’il a pu.
Cet album est le premier à faire sonner un violoncelle à la façon jazz, il dégage une véritable sérénité en même temps qu’une sorte de « swing » qui se transforme chez l’auditeur en un balancement de tête, comme une ondulation en provenance de l’intérieur, il y a également des périodes de fort lyrisme. On se sent quelque part entre contrebasse et guitare, dans un entre-deux inédit, mais aussi entre pizzicato et, plus rarement, travail à l’archet.