En ce début d'été assez prolifique en termes de sorties d'albums pour les grosses écuries trustant le milieu rock (The Black Keys, Foals, Sum 41, The Raconteurs...), il peut être assez risqué -voire suicidaire- pour les plus petits groupes d'essayer de se faire une place au soleil. Loin d'être effrayé par cette rude concurrence qui pourrait leur faire de l'ombre, et bravant l'interdit avec un certain panache, voici pourtant les anglais de Dinosaur Pile-Up qui nous font l'honneur de présenter leur quatrième album intitulé Celebrity Mansions, et qui s'inscrit dans la directe lignée de ses prédécesseurs, à savoir des albums dopés aux riffs agressifs et énervés.


Parce qu'il faut bien se dire que si les membres du groupes sont d'origine anglo-saxonne, leurs racines musicales sont toutes autres et viennent plutôt d'outre-Atlantique : chez eux, tout respire l'alternatif américain, avec des influences évidentes qui sonnent comme des hommages appuyés aux meilleurs groupes des années 90 et 2000 : quand vous écoutez Trash Metal Cassette, ce sont les Foo Fighters et Dave Grohl qui sont convoqués; Black Limousine ressemble furieusement à un croisement bâtard des Pixies et des Smashing Pumpkins, tandis que Pouring Gasoline nous rappelle avec nostalgie les heures les plus grunge de Nirvana sous amphétamines. La liste des groupes qu'on croit entendre au détour d'une chanson peut encore s'allonger sans problème : les Deftones, Pearl Jam etc. Dinosaur Pile-Up ne renouvelle absolument pas le genre mais nous propose un succulent melting-pot de ce qui se fait de mieux dans cet univers, en le saupoudrant d'une petite touche personnelle.


Sur les 10 chansons qui le composent, cet album laisse finalement peu de répit à son auditoire, même si certains instants sont volontairement plus posés, avec de minis interludes au chant et à la guitare instillés au compte-goutte, pour repartir ensuite de plus belle. Les riffs de guitares sont des bangers acérés à souhait, le batteur est un véritable bûcheron qui charbonne sur chaque piste, tandis que la basse englobe le tout en assurant une base rythmique ferme et tight.


Si cet album s'intitule Celebrity Mansions, la raison est toute trouvée : en plus d'être le titre d'une des pistes, c'est également toute une thématique qui irrigue l'ensemble du disque. En effet, toutes les paroles font écho à un certain désir chez le groupe d'enfin percer dans le rock, d'être reconnu par leurs pairs mais également et surtout par le public, tout en conservant leur intégrité morale et musicale. Pour les suivre un peu sur les réseaux sociaux, on constate de manière évidente que le groupe a encore du mal à vivre de sa musique même en enchaînant des tournées sans fin, d'où cette envie de chanter un rêve américain (Celebrity Mansions) et en jalousant quelque peu (avec humour) la réussite des autres (K West) sans pourtant autant vouloir sacrifier une certaine honnêteté musicale. Car, et c'est le deuxième thème fort de cet album, le groupe a parfaitement conscience du décalage qui les sépare des autres artistes musicaux du moment et probablement du succès (Professionnal Freak). Matt Bigland nous fait des aveux honnêtes et francs (Stupid Heavy Metal Broken Hearted Loser Punk), nous narre ses déceptions amoureuses (Round the Bend) et ses désillusions permanentes avec la notoriété (Back Foot), tout en reconnaissant avec lucidité que le chemin vers le succès est encore bien loin (Long Way Down). Avec des thèmes plus intimistes, cet album se démarque ainsi légèrement de son prédécesseur qui était clairement plus une usine à riffs destinée à percer (avec un producteur de renom et un son live brut mais plus travaillé), et arrive à exprimer une sincérité touchante.


On ne peut que saluer Dinosaur Pile-Up dans cette incessante quête d'une idée de probité à une époque où le succès peut parfois pousser des groupes à renier (les langues de bois diront « évoluer ») leur style pour toucher un public plus large. Et rien que pour ça, le groupe mérite davantage de reconnaissance, ainsi qu'un public qui les soutienne par les ventes de CD/vinyles et les concerts. Long live to rock'n roll !

Thibaulte
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le 11 juin 2019

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