1966 : Jacques Brel est alors au sommet de son art, il a récemment sorti des chansons comme Amsterdam et livre deux albums phares, d'abord Les Bonbons puis surtout Ces gens-là. Cette année-là marque aussi sa décision d'abandonner la scène et il donnera un dernier récital à Roubaix en 1967 après une tournée d'un an.
D'abord sans nom, cet album sera assez vite appelé Ces Gens-Là, en référence à la chanson d'ouverture et, pour rentrer assez vite dans le vif du sujet, c'est tout simplement l'un des sommets du Grand Jacques. Comme à son habitude, il oscille entre divers tons, trouvant toujours le bon équilibre et sachant se faire aussi drôle que bouleversant, sans jamais tomber dans l'excès. L'album contient aussi de nombreuses pépites dont l'une qui se trouve être l'une des chansons qui m'a le plus marqué dans ma vie musicale, à savoir Mathilde. Chanson aussi magnifique que drôle où Brel évoque le retour effrayant et excitant d'une certaine Mathilde, tout est parfait, que ce soit dans la voix, le ton ou l'orchestration, et l'osmose est parfaite.
Si Ange, Michel Delpech et Noir Désir (entre autres) se sont essayés à la reprise de la chanson Ces Gens-là, aucun n'a atteint la maestra de Brel, et de loin. La montée en puissance est remarquable, Brel se montrant de plus en plus colérique alors que les paroles sont assez dures. Le genre de chanson qui donne des frissons, tout comme Jef où le flammand évoque l'histoire d'un homme pleurant devant tout le monde à cause d'une petite amie qui l'a quitté. L'arrangement est remarquable pour cette chanson enregistrée en 1964 (comme Mathilde, Les Bergers et Le Tango funèbre), notamment lors des envolées lyriques du refrain.
Il faut attendre La Chanson de Jacky pour avoir droit à un peu de légèreté où Brel parle surement de lui-même avec une musique entrainante et des paroles inoubliables ("Beau, beau, beau et con à la fois!"). Le Tango Funèbre et Grand-mère participent aussi à l'ambiance plus légère, deux chansons remarquables et drôles malgré l'évocation de la mort dans la première. Deux chansons aux arrangements de qualité, entrainant et en osmose totale avec le chant du Grand Jacques et des paroles géniales où il montre tout le génie de sa prose. À noter aussi une chanson assez bizarre pour Brel, Les Bergers où il évoque la montagne, la nature et... les bergers. Une chanson guère mémorable mais sympathique tout de même.
Brel chante aussi deux de ses chansons les plus tristes, Fernand et Les Désespérés, il y évoque la mort et le désespoir d'un homme à un enterrement dans la première et le suicide et la misère dans la seconde. Deux titres bouleversants et d'une grande puissance où Brel se montre d'une grande sensibilité et d'une justesse incroyable, notamment dans les textes et l'accompagnement. Il trouve toujours le ton juste et le bon équilibre entre les différentes humeur et passe avec fluidité d'une chanson drôle à une autre triste. À noter que sur l'édition CD on a droit aux versions flamandes de quatre chansons de Brel (Le Plat Pays, Rosa, Les Bourgeois et Les Paumés du Petit Matin).
Ces Gens-là se place comme l'une des plus grandes réussites de Brel, à ranger aux côtés de disques comme Les Marquises ou Les Bourgeois. Le grand Jacques se montre inspiré comme rarement, tant dans les textes que les arrangements et oscille merveilleusement entre différents tons, capable d'être aussi drôle que bouleversant.