2004 : L'Odyssée de Frusciante (3/6)

En juin 2004, John Frusciante sort son sixième album studio en solo, déjà le deuxième de cette seule année. Il annonce par la même occasion que ce disque n’est que le premier d’une saga de 6 albums en tout, enregistrés de décembre 2003 à mai 2004, durant la pause post-By The Way Tour des Red Hot Chili Peppers. Le dernier paraîtra début 2005, parachevant la période la plus faste de la carrière de Frusciante.



« My objective was to record as many songs as I could during the break that I had from the Chili Peppers tour. In the midst of doing that, I was writing some of my best songs, so some of these albums have as many new songs as old songs. It was definitely the most productive time of my life. »



A lire avant : (1) (2)



Chapitre 3 : DC EP



A peine les fans remis des deux sorties coup sur coup the The Will to Death et du premier Ataxia, John Frusciante remet le couvert à peine un mois plus tard avec le troisième épisode de sa folle série. Nous sommes en septembre 2004 et c’est déjà son troisième album en trois mois, le quatrième de l’année si l’on compte leur ambitieux précurseur Shadows Collide with People (février). Un rythme effréné qui ne semble pas déranger l’artiste, qui aurait même sorti ces nouveaux opus plus tôt s’il ne fallait pas se plier au jeu stratégique des maisons de disque.



« A major label doesn’t want you to release a record every month, because in terms of sales, it doesn’t make sense. Eventually, when Shadows stopped selling, I met with these people from the Record Collection label and they were really excited about the idea of putting out a record every month. »



DC EP sort donc un mois après Automatic Writing, et doit son sobre titre à son endroit de création – du moins, presque. Si l’EP a dans les faits été mis en boîte dans un studio de Virginie non loin de là, c’est bien vers Washington, DC que s’envole Frusciante début 2004 pour y retrouver Ian McKaye, lui aussi membre du groupe de post-hardcore Fugazi. Une visite des plus incongrues qui donnera naissance à l’un des disques les plus aboutis de John, comme une autre preuve de l’efficacité de sa nouvelle manière de travailler, tout en spontanéité.


Pas de Josh Klinghoffer sur cette galette, l’homme à tout faire étant resté en Californie. Il est remplacé au pied levé par Jerry Busher, dont Frusciante dit qu’il est l’un de ses batteurs préférés au monde. La production de cet EP de 4 titres se fait en autant de jours à peine : un jour pour le voyage jusqu’à la capitale, un jour de répétition avec Busher, et deux jours top chrono pour l’enregistrement et le mix. Initialement un simple hôte au sein des Inner Ear Studios, le repaire fétiche de Fugazi, Ian McKaye se mue en producteur de l’EP avec la bénédiction de John.



« It wasn’t planned out that [Ian] was going to be the producer, he was just hanging out and wanted to be around. He ended up playing that role: he had a couple of good suggestions about arrangements of songs, and I normally would never let anybody say anything, but I respect him about as much as I could respect anybody. »



Même loin du home-studio de Frusciante, le résultat relève du chef d’œuvre. Il n’est pas rare d’entendre parler de ce DC EP comme l’apogée de la carrière solo de John, pourtant peu enclin à travailler loin de ses bases. On connaît son aversion pour l’enregistrement numérique, et il entretient un amour presque fétichiste pour son matériel vintage amassé au fil des années, dont il affirme sans la moindre hésitation qu’il procure le son le plus chaud qu’il ait jamais entendu. En cela, DC est une vraie aventure pour le guitariste, même s’il pourrait passer pour un de ces disques les plus sobres de prime abord. A la lumière du workflow et du caractère de John Frusciante, c’est presque un événement que de le voir louer à ce point un disque dont il aura si peu contrôlé le traitement.



« They work differently from how I work [at Innear Ear Studios]. The equipment I’m used to using is a really good vintage equipment and their equipment is from the 80s. I left it in Ian’s hand and I was really impressed with the results he got from that equipment. I have friends who think it’s the best recording I’ve done. »



Du point de vue des compositions, DC apparaît nettement comme le disque le plus calme de la discographie de John à l’heure de sa sortie. Plus encore, il respire la sérénité. Sûrement une des meilleures illustrations d’une bonne ambiance de studio qui soit : tout est maîtrisé, en contrôle, les morceaux se tiennent et se nourrissent les uns les autres avec une rare homogénéité. Il est impossible et simplement dénué de sens de vouloir dégager un titre ou un autre de cet EP, tant il forme un tout en lien direct avec son contexte de création.


Chaque morceau renferme de rares moments d’intensité. Dissolve est un morceau iconique par sa structure inhabituelle mais étrangement familière, et explose sur un solo dosé à la perfection qui retombe aussitôt sur une outro calme et mélodique. Comme sur tous les morceaux de DC, pas de refrains ou couplets identifiables, simplement une histoire logique et linéaire qui se développe au rythme de lyrics une nouvelle fois impeccables. A Corner est une petite merveille avec sa deuxième moitié où voix et guitare lead se répondent dans un climax redoutablement maîtrisé. Le niveau de baisse pas d’un iota sur Goals, dont la dernière partie est certainement l’un des moments les plus puissants du répertoire de Frusciante. Enfin Repeating est la conclusion parfaite d’un EP dénué du moindre temps mort, quand la voix vient faire écho à la guitare pour une dernière minute venue d’ailleurs.



« I’m bleeding from the walls that cry
Life has always passed me by
Here I go again to fall apart so long
When we meet again I will not be there…
Believing in a thing you see to disbelieve
All the days that slipped away are repeating… »
- Repeating



C’est sur ces mots que se conclut le troisième chapitre de l’odyssée de John Frusciante, qui a déjà sorti en l’espace de trois mois ce qui représente probablement ses disques les plus aboutis. Et nous n’en sommes qu’à la moitié. Arrivera-t-il à recréer un tel sentiment de maîtrise et de sérénité que sur cet EP ? La réponse arrivera un mois plus tard, alors que le vinyle de DC nous nargue une nouvelle fois avec deux phrases énigmatiques : « And then the past » et « I never see you »


Sources : invisible-movement.net

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le 25 août 2016

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Jambond

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