Doomsdayer’s Holiday
7.2
Doomsdayer’s Holiday

Album de Grails (2008)

Tout juste cinq mois après "Take Refuge in Clean Living", le groupe de Portland livre un nouvel album de qualité. Grails est dans l'esprit un groupe assez proche de formations signées sur Constellation, Godspeed en tête, avec toutefois de notables différences : des plages beaucoup moins longues, une interprétation moins axée sur les guitares et, avant tout, un angle d'attaque instrumental qui leur est propre, moins américain semble-t-il.
Dès les premières secondes, le ton est donné : des espèces de cris d'enfants semblant sortis du film de Pascal Laugier, Martyrs, auxquels succède un rock industriel massif, noir à souhait, des roulements de batterie étouffés puis samplés, passant au second plan pour accompagner des guitares s'écorchant les unes les autres. Le titre semble être l'expression d'une bête traquée, sanguinolente, qui n'a plus rien à perdre et qui s'enorgueillirait du combat à mort qui va suivre. On change de registre avec "Reincarnation Blues", qui semble être une relecture industrielle d'un vieux titre de Morricone, un rythme bluesy se métamorphosant lentement en une sorte de rock brut, sans fioritures, puis l'instrumentation devenant de plus en plus délicate jusqu'à devenir presque une musique d'église new age. Transition parfaite avec "The Natural Man", développant un thème très atmosphérique et sybillin rappelant les enchantements d'un Balustrade Ensemble. Typiquement le genre d'exercice à risque : air gracieux gardant le sens de dépouillement, mis en relief par des cordes pincées, à l'ambiance simili-orientale, de légers claviers et des motifs jazz simples mais adéquats prenant vie sur le côté de la mélodie principale - et non pas derrière, contrairement à d'habitude. L'effet produit est envoûtant et le titre suivant, "Immediate Mate", nous extraie brusquement de la rêverie. Téléscopage de claviers, batterie au premier plan, ambiance pour le moins anémique rendant un souffle glacé comme si l'on regardait un cadavre exposé dans une morgue. Admettons. On demeure en terre connu avec "Predestination Blues", excellente composition de la même espèce que "Reincarnation", en certes plus homogène. "X-Contaminators" demeure le titre le moins évident, aucune ligne mélodique n'étant répétée avant la fin de la chanson, toute sa raison d'être n'étant que la recherche d'un climat, d'une couleur, que l'on devine ocre. On dirait une ode aux déserts, aux horizons secs, rappelant le Moyen-Orient rêvé dans "Natural Man". En guise d'apothéose, "Acid Rain" est une longue piste typiquement post-rock, dans laquelle la guitare reprend la tête, toujours épaulée par des synthés s'allongeant, s'étirant, muant. Un beau disque, tout simplement, qui mérite qu'on lui accorde de l'attention, et, probablement, beaucoup d'obscurité.
Procope
7
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le 1 nov. 2013

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