Tandis que "Buck Jump Time" https://www.youtube.com/watch?v=DLnNCg1egVA, une des premières incursions de Mannie Fresh dans le monde du rap, servit de prototype à la Bounce music, et malgré toute l'importance qu'a Mannie Fresh sur le son de Nouvelle Orléans, on ne peut lui attribuer la primauté du genre.
La distinction revient a un single d'un groupe relativement obscur natif du Queens, les Showboys.


Les Showboys étaient composés d'Orville "Can Can" Hall et Phil "Phil D" Price, un duo d'Hollis, quartier du Queens connu pour avoir sorti Run D.M.C. La filiation entre les deux groupes aux trajectoires diamétralement opposées ne s'arrête pas là puisque ce Orville Hall se révèle être un ami d'enfance de Jam Master Jay, membre de Run DMC et que les deux groupes atterrissent la même année (1982) dans un label indépendant de New York, Profile.


Les Showboys enregistrèrent seulement 4 chansons, se délaissant très rapidement du rap.
Leur premier single avec "The Ten Laws Of Rap" en Face A et "Cold Frontin" en face B ne marqua pas vraiment les esprits en 1985.
En 87, ils apparaissent sur la compil Christmas Rap (https://www.amazon.com/Christmas-Rap-Various-Artists/dp/B00005Y9Y7 ) dont le moment fort reste le très bon "Christmas In Hollis" de Run DMC.


Entre temps, en 86, il y eut "Drag Rap", le 33 tours en question. Malgré sa reconnaissance tardive, il devint l'un des morceaux les plus cultes et les plus samplés dans le Sud des Etats-Unis.


Pour comprendre la viralité du single, il faut un peu recontextualiser. A l'époque, la mode était à insérer des thèmes de séries TV en hook. Après avoir visionné une rediffusion de Dragnet, une série policière des 50's, Hall décida d'emprunter leur générique (https://www.dailymotion.com/video/xrigpt).


Comme la série traitait de gangster, les Showboys s'inventèrent des aliases (Can Can et Triggerman) et conçurent les paroles en tant que gangsters se battant pour le contrôle des blocks d'Hollis. Ils enregistrèrent rapidement la demo tape et performèrent Drag Rap pour la première fois à l'occasion d'un concert qu'ils tenaient avec LL Cool J et Kurtis Blow. La foule l'aima tellement que les Showboys se décidèrent à donner la demo à Profile, qui leur fila 2500 $ pour la réenregistrer proprement en studio.


Le résultat donna une chanson de 6 minutes dans la tradition de l'electro-rap du milieu des 80's construit autour d'un 808 beat et d'un hook innovant. En réalité, la chanson était plus sophistiquée que la plupart des autres singles de cette époque. Le break était à la fois composé d'une pub pour une grosse chaîne de fast food "Where's the beef" (https://www.youtube.com/watch?v=Ug75diEyiA0) et des sifflements d'une autre célèbre pub, cette fois à la faveur d'un savon (https://www.youtube.com/watch?v=VZI7BuMrmMM).


La partie principale de Drag Rap était un incessant va et vient entre deux sections bien distinctes. L'une d'entre elles était le générique de la série Dragnet implémenté de vifs et percutantes drums d'une boîte à rythme en vogue, la LinnDrum. L'autre, était le refrain construit sur un arpeggio de trois notes qui semblent provenir d'un xylophone (en fait c'est un son de synthé qu'on appelle "bones") avec un 808 beat plus doux d'une Roland TR ponctué d'un son artificiel de cowbell.


Les deux parties furent samplées dans l'histoire de la Bounce, mais c'est surtout la seconde partie qui fit la renommée de Drag Rap.


Alors que les Showboys avaient déjà tiré un trait sur le rap préférant se concentrer sur leurs carrières professionnelles, un coup de fil en 1992 changea la donne.


Ils n'avaient aucune idée de l'audience que Drag Rap rencontrait dans le Sud du pays jusqu'au jour où le frère de Hall, Cliff, qui avait produit la chanson, reçut un appel à son taff d'un promoteur événementiel de Memphis. Le mec en question avait durant 4 ans essayé de retracer les gens qui avaient enregistré "Triggerman" et souhaitait les faire descendre sur Memphis pour un concert.
Les Showboys comprenaient pas bien ce que le gars voulait dire par "Triggerman" mais tout s'éclaircit quand ils tombèrent sur sa messagerie et entendirent Drag Rap.


Le promoteur accepta de les payer pour faire un show à un club de Memphis et c'est ainsi que les Showboys reprirent du service.


Pas habitué à jouer les premiers rôles lorsqu'ils étaient chez Profile, ils constatèrent tout du long de leur voyage à Memphis comment ils étaient bigs dans cette partie des USA. Quelques semaines après le show à Memphis, le mot que les Showboys étaient encore actifs parcouru le Sud, et amena Hall et Price à continuer les shows dans les villes où Drag Rap était devenu cultes.


Et c'est ainsi que pendant quelques années, les Showboys voyagèrent entre Memphis, Houston et La Nouvelle-Orléans. C'est dans cette dernière, qu'en 1993, une fois que la Bounce fut bien établie dans le paysage, on leur remit les clés de la ville.


Lorsque Cash Money acquit une reconnaissance nationale, Price s'amusa à compter le nombre de samples non crédités de Drag Rap. Selon lui, y'en avait 34 dont Wobble Wobble des 504 Boyz (https://www.youtube.com/watch?v=zi4f8TJoD_0 très bonne chanson si vous voulez mon avis) ou encore Like A Pimp de David Banner (https://www.youtube.com/watch?v=7PUR8XVnTtk sa chanson la plus connue)


Compte tenu de la folle après-vie de Drag Rap, on se demande bien pourquoi ce succès si localisé.


Les Sudistes, en grands consommateurs de gangsta rap, on peut penser que ce sont les paroles qui ont fait la diff, Drag Rap pouvant se targuer d'être potentiellement la première chanson gangsta de l'histoire. Sorti un an avant P.S.K. de Schooly D, ou encore un an avant l'album Criminal Minded de Boogie Down Productions et toujours un an avant les premiers méfaits d'Ice-T ou de NWA.


Ou alors c'est tout simplement le beat dont les DJs pouvaient réarranger à leur guise, et faire buck-jumper pendant deux heures d'afillées les locaux juste avec les 3 notes de l'arpeggio selon DJ Jubilee, figure emblématique des clubs de NOLA.

GigiEatNoShrimps
7

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le 21 févr. 2018

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