Gene Krupa – Drummer Man (1956)


Bien que cet album soit enregistré en cinquante-six, le millésime est trompeur car il vous projette beaucoup plus loin dans le temps, au milieu de l’ère « swing », au temps d’avant, dans les années trente ou au début des années quarante, tout en bénéficiant de la qualité de son de la fin des années cinquante.


Très certainement Gene krupa était un grand batteur, il s’est fait connaître en même temps que Benny Goodman. D’origine polonaise, il s’attache à Benny et le suit dans ses aventures, en trio, en quartet, puis dans le grand orchestre. Arrêté pour possession de drogue, le bon Benny le sortira de la panade. Petit à petit, il prend son indépendance et incorpore dans son orchestre la chanteuse Anita O’Day, ils obtiennent le succès avec le titre « Let Me Off Uptown » accompagnés par le trompettiste Roy Eldridge.


L’album « Drummer Man » est une sorte de relecture de ces années-là. Le trio gagnant est à nouveau réuni et, il faut bien le dire, pour le meilleur, car les bonnes années semblent vouloir renaître et la magie d’antan éclate à nouveau avec son « swing » indémodable et son énergie première.


La voix d’Anita O’Day est toujours aussi envoutante, pas si loin de Billie, elle sait mettre en valeur une mélodie et possède un charme exquis et personnel dans la voix, sans jamais se cacher derrière une technique pourtant brillante. Roy Eldridge lui aussi est au top, il brille sur les deux premiers titres, « Let Me Off Uptown » ou il dialogue en chanson avec Anita, et sur « Rockin’ Chair » qui lui est entièrement dédié en tant que soliste, une merveille.


D’une certaine façon on pourrait dire sans trop se risquer que « Drummer Man » serait le dernier album de l’ère swing. Il ne faut surtout pas oublier l’excellence des arrangements, signés le plus souvent par Quincy Jones, huit fois, Manny Albam, Nat Pierce et Billy Byers se partagent les quatre autres titres.


Il y a également des solistes de qualité, outre Roy qui se procure la part du lion, on peut entendre Eddie Shu et Aaron Sachs au sax ténor ou à la clarinette, Jimmy Cleveland au trombone Dave McKenna au piano. Le producteur n’est personne d’autre que Norman Granz lui-même.


Ici on ne dépasse jamais trois minutes trente par titre, certificat d’authenticité exige, seul compte l’énergie et le swing, une certaine légèreté également, car la scène est faite pour rêver, s’échapper quelques heures du réel et entrer dans un autre monde, fait d’artifices et de paillettes, mais surtout d’ivresse musicale, et là, le pari est bien gagné !

xeres
9
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le 29 avr. 2023

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