EX (Live)
6.8
EX (Live)

Live de Plastikman (2014)

(Ne comptez pas sur moi pour faire un jeu de mot maladroit avec le titre de l'album)

Je découvre deux semaines après sa sortie ce live de Richie Hawtin. Grand fan de Plastikman, c'est avec beaucoup d'excitation et... quelques craintes que j'ai démarré la lecture de l'album sur Youtube (son écoute est proposée gratuitement à l'adresse suivante : https://www.youtube.com/watch?v=fDBcxEMHNMs). Cela fait effectivement plus de dix ans (onze pour être précis) que Richie avait délaissé le pseudonyme de Plastikman pour se consacrer à des activités plus lucratives sous son véritable patronyme, comme produire des mix apparemment médiocres (je dois avouer n'en avoir écouté aucun), ou prendre du bon temps à Ibiza (de la même manière, on ne peut pas vraiment dire que j'ai suivi de très près ses exploits sportifs au bord de l'eau ou ses petites sauteries saké à la main). On peut à bon droit se demander si notre (ex ?) héros de la minimal fait bien de revenir à ses premières amours, et si le résultat sera à la hauteur de notre attente.

Le gros problème auquel on se confronte en écoutant cet album et en s'essayant à sa critique est l'impossibilité de faire l'économie des réactions des internautes. Pour beaucoup, Richie était dorénavant une figure tutélaire contestée, voire destituée, de la techno pour les raisons évoquées plus haut, et nombreux étaient les fans de la première heure à émettre des doutes quant à sa capacité de produire quelque chose d'esthétiquement nouveau. Pour donner plus de corps à ces doutes, les internautes n'hésitent pas à pointer du doigt son style vestimentaire et capillaire contestable. Et d'ajouter qu'onze ans d'absence suffisent amplement à déclarer la mort clinique du projet Plastikman. Quant à l'album – live donc, il fut joué à l'occasion d'un gala de levée de fonds au musée Guggenheim de New York organisé par la maison Dior, ainsi que pour promouvoir sa dernière invention, le « Subpac », une sorte de sac à dos qui reproduirait les vibrations émises par un caisson de basse et permettrait de profiter des infrabasses lors d'une écoute nomade. Pas sûr que cette compromission avec les mondes de l'art, de la mode et du merchandising fût du goût de tout le monde... Pour ceux qui n'étaient pas encore convaincus, l'abandon du matériel analogique au profit d'une installation numérique achevait de convaincre que Plastikman était bel et bien mort et enterré. Il n'en fallait pas plus pour que l'album fût considéré d'emblée comme une commande, une resucée, sans magie ni prise de risques, par un artiste qui aurait enclenché le pilote automatique. Pire encore, certains poussaient la critique jusqu'à ériger EX en « St Anger de la techno », rien que cela !

Au final, que dire d'EX ? Du point de vue sonore, on reconnaît bien la signature de l'artiste – les gimmicks diront les mauvaises langues, qui ne sacrifie pas la qualité sonore au numérique et se montre au contraire toujours aussi méticuleux et exigeant. Les sonorités sont reconnaissables, voire identiques à celles de la bonne époque, et il est malaisée de prendre à défaut la production. La structure de l'album se compose de sept morceaux dont les titres commencent par « EX » (en majuscules s'il vous plaît) et qui s'intitulent EXposed, EXtend, etc. – autant de verbes d'actions dont je ne saurais dire après écoute s'ils ont une fonction annonciatrice, performative ou simplement décorative. En réalité, à l'écoute, on a bien plutôt la sensation d'avoir affaire à un seul et même morceau, grâce à des transitions nourries et des silences savamment disposés aux articulations de la performance live. De la même manière, l'introduction et la conclusion, qui partent de et rejoignent le silence, apportent une cohérence appréciable et donnent l'impression qu'il s'agit d'un Tout clos sur lui-même, presque d'un concept album, radicalement différent de la grande majorité des albums de techno, qui proposent davantage une collection de titres et jouent sur l'effet répétitif puis cumulatif que peut provoquer l'écoute de morceaux similaires, (ré-)écoutables à l'envi plutôt que sur la construction d'un discours précisément circonscris et soigneusement articulé.

Cette hypothèse qui découle de l'appréhension macroéconomique d'EX en tant que Tout me semble confortée par l'écoute microéconomique des morceaux étudiés à la loupe. Dans le détail, l'album voit se succéder des moments très dépouillés, où le terme minimal a rarement porté aussi bien son nom et le dispute à l'ambiant et pendant lesquels Richie préfère déployer des transitions longues plutôt que de faire appels à des drops, à des moments plus fouillés, pendant lesquels on a l'impression de revenir au Plastikman de la décennie précédente. Beaucoup de fans ont déploré la difficulté à profiter de et à danser sur ce live, qui résiste mieux à une écoute reposée, chez soi, face à une bonne installation, qu'à une écoute en concert, ou pire... en déplacement. Au final, le choix de jouer EX en live et de le proposer à la vente en même temps que le Subpac est selon moi un choix maladroit, qui explique en partie la réception pour le moins mitigée de cet album qui, si l'on parvient à faire abstraction d'un contexte bien encombrant, s'avère très stimulant pour l'auditeur.
Bronislas
7
Écrit par

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le 25 juin 2014

Critique lue 393 fois

8 j'aime

Bronislas

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