Elements of Anger
6.4
Elements of Anger

Album de Sadus (1997)

Un album qui a son ambiance et sa personnalité propres

Sadus est un groupe de techno-thrash formé en 1984 à Antioch, Californie. Il compte parmi
ses membres Daren Travis au chant et la guitare, Jon Allen à la batterie, mais surtout le non moins
virtuose de la basse Steve DiGiorgio, célèbre pour avoir joué avec Death sur Individual Thoughts
Patterns, notamment. Cet Element Of Anger est donc le quatrième opus de la formation.
Tout d'abord, il n'y a peu de choses à dire sur la production, qui est propre, claire, ce qui est
assez logique car l'album est sorti en 1998. Ainsi, tous les instruments sont bien répartis et
dissociés sur le spectre sonore. A noter que la basse est très présente, sans pour autant être
envahissante. Voilà pour la partie purement technique.
Voyons maintenant à quoi nous avons affaire sur le plan artistique : cet album a
véritablement une ambiance particulière, à l'instar de Grin, produit des suisses de Coroner datant
de 1993, ce qui lui donne une véritable personnalité. Cela tombe bien, les deux groupes tapent
dans le même registre, à savoir le techno-thrash. C'est pourquoi ce disque exige une oreille
attentive pour arriver à percer les multiples niveaux d'écoute que propose cet Elements Of Anger.
Inutile de préciser que de nombreuses écoutes seront nécessaires pour en appréhender les
multiples subtilités. D'autant plus que le jeu en vaut la chandelle, l'album étant d'une cohérence
au niveau thématique aussi bien qu'au niveau composition très intéressante. A l'image de cette
particularité figurent les intros sur certains titres (Safety In Numbers, Mask, Unreality par
exemple), ambiancées au possible, teintées d'un très fin feeling jazz, aidées en cela par de légères
nappes de synthé que l'on retrouvera aussi à d'autres moments, comme sur Mask. Certains effets
électroniques sont pour le coup peut être dispensables mais font de toute manière partie
intégrante de cette ambiance. Elements Of Anger est donc réellement à écouter d'une seule traite.
Que retenir désormais de l'aspect composition de ce disque ? On est tout de suite frappé
par les rythmiques, inspirées, entraînantes (certaines font penser irrémédiablement à l'âge d'or de
Pantera) et, par dessus tout, variées. En effet, préparez-vous à ne jamais rester sur le même
rythme mais, rassurez-vous, cela ne sera pas dérangeant, bien au contraire. La structure des
morceaux est plutôt atypique, mais concorde bien avec l'aspect progressif de l'album, voire du
groupe dans sa globalité. Le bon rythme est privilégié à la violence pure. C'est pourquoi par
exemple nous n'avons ici presque aucun blast (bien utilisé sur Mask). Mais cette structure est
surtout maîtrisée, pensée, on sent que le groupe a de l'expérience et qu'il en tire profit.
On ne peut traiter une chronique sur un album de ce genre sans s'attarder sur le jeu des
différents musiciens. A commencer en priorité par le jeu de basse de DiGiorgio, qui fait réellement
des merveilles. Le jeu de basse fretless fait bien plus que de simplement faire partie prenante des
riffs, il les sublime, les étoffe, leur donne un groove unique et leur ajoute de la complexité, qui
pourrait manquer au jeu du guitariste, à moins tout simplement que ce soit ce soit le génie de
DiGiorgio qui, par contraste, fasse penser cela. A rajouter à la défense de Daren Travis qu'il assure
la voix en plus de la guitare. Et pour accompagner ces riffs, le batteur n'est pas en reste. Les plans
sont bien construits, privilégiant les nuances au « m'as-tu vu » souvent caractérisé par un excès de
double pédale et par une volonté de faire plus de bruit que nécessaire. C'est pourquoi Jon Allen se
rend ici toujours utile et propose une prestation fine et subtile très portée sur les contre-temps
inattendus, invitant l'auditeur à des écoutes répétées. L'album ne finit pas d'étonner : ayant affaire
à un groupe de techno-thrash, on s'attend, en tant qu'auditeur, à ce que les soli soient mis en
avant et davantage travaillés que les riffs. Or c'est tout l'inverse, au moins pour la partie guitare.
Courts et peu intéressants en soi, on ne les retiendra pas comme un élément marquant. Steve
DiGiorgio nous régale néanmoins de rares mais inspirés soli, notamment sur Mask. Ce n'est pas
grave, il s'éclate tout le long de l'album sur les riffs. La base musical est assez indéterminée comme
sur de nombreuses productions de thrash, à noter peut être l'utilisation sur certains riffs de
Stronger Than Life de gammes pentatoniques. Il est inutile de développer ce aspect pour un album
de ce genre. Le vocaliste, Daren Travis, ne se fait pas vraiment remarquer, ni en bien, ni en mal. Son
registre, quasi-hurlé, assez similaire à ce que peut fournir Atheist, par exemple, est maîtrisé. Il n'est
pris aucun risque quant au placement de la voix sur les riffs.
Mais alors, que beugle ce cher Daren Travis tout le long de Elements Of Anger ? Les textes
sont rageurs, l'auditeur est souvent pris à partie, comme pour opposer en face à face celui-ci et le
groupe. Le champ lexical de la violence et du combat est assez prononcé. On sent que Travis a
envie d'en découdre. Ça tombe bien, thrash, ça veut dire « bastonner ». On notera à ce niveau une
cohérence certaine sur tout le disque (tout est dans le titre). Néanmoins, finir là dessus serait une
insulte à l'intelligence de l'écriture qui est certaine : recherche sur les sonorités (rimes, bien
évidemment), vocabulaire recherché, figures de styles courantes, comme l'anaphore sur Mask. Les
thèmes abordés témoigne d'une volonté de lucidité : critique du matérialisme, de l'extrémisme
religieux, voire même théories de réincarnation sur In the End ?
Conclusion : nous avons affaire ici à du très bon thrash progressif et hautement
technique, sans tomber dans l'ostensible. Nanti d'un univers artistique dense et réussi et d'une
virtuosité de jeu remarquable, ce disque promet de se dévoiler un peu plus à chaque nouvelle
écoute.
Sébastien_Lehms
8

Créée

le 24 nov. 2013

Critique lue 170 fois

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