Le 11 mars 2010, le procès opposant Pink Floyd à EMI touchait à sa fin. La formation britannique reprochait à la major de permettre le téléchargement de ses titres à l'unité, alors qu'elle envisageait ses albums comme des ensembles cohérents dont la profondeur ne pouvait être appréhendée par ce mode de distribution.
Le groupe américain Fang Island semble avoir bien assimilé cette leçon. A travers leur premier opus, la formation indépendante fait en effet preuve d'une maturité musicale déroutante malgré leur jeune âge (débuts en 2005). Les mélodies se complètent et dansent éperdument jusqu'à trouver un écho l'une dans l'autre. Des rires moqueurs résonnent tandis qu'on cherche à en percer le mystère. Et alors qu'on pense les avoir apprivoisées, elles nous dévoilent malicieusement un nouveau secret, un nouveau souvenir, un nouveau rêve.
Tout commence avec « Dream of dreams », qui sonne comme la fin d'une époque. Les feux d'artifices allègres laissent bientôt place à des harmonies de guitare qui se combinent en un chuchotement désenchanté. Et c'est seulement quand leur complainte atteint son paroxysme que le chœur formé par les 5 membres du groupe daigne faire une brève apparition. Guitares et batterie font alors leur retour et, sans s'en apercevoir, on est passé au morceau suivant, « Carefull Crossers », fête d'adieu instrumentale qui se veut plus rassurante.
La chute n'en est que plus dure quand retentit à nouveau le chœur pour la poignante « Daisy ». L'excitation à l'idée d'une nouvelle ère est teintée d'amertume et d'une nostalgie déchirante pour les joies d'un passé révolu. Dans « Life Coach », voix et instruments se joignent pour une ode à la vie et à la renaissance proche. Un rythme plus rapide engage « Sideswiper » comme si on nous pressait de tout oublier pour ne pas souffrir, et puis, subitement, tout se ralentit comme pour nous autoriser un dernier regard en arrière. Avec « The Illinois », des guitares obsédantes et des brusques changements de rythmes nous offrent un nouveau départ.
Et subitement, tout s'éclaircit . On perçoit de la joie dans le chant à présent décomplexé de « Treeton » et les paroles sont porteuses de plus d'espoir : « Let our dreams grow out together ». Là-dessus arrive « Davey Crockett », long morceau qui renoue avec cette mélancolie qu'on croyait éteinte et qui nous laisse confus. « Dorian », final de l'album, tente d'apporter une réponse à ces doutes avec un air qui évoque un mariage, le début d'une aventure. On a peut-être fait le bon choix. C'est en tout cas ce dont on se convainc quand des feux d'artifice viennent conclure le morceau.
Seul défaut de l'album, il est un peu lassant sur la durée, et on regrettera par exemple qu'il n'y ait pas un deuxième « Daisy » pour lui insuffler une nouvelle vie. Mais c'est un détail dont on ne saurait leur tenir rigueur après seulement 5 ans d'existence. Avec ses mélodies aériennes façon Wild Nothing et ses atmosphères à la Animal Collective, Fang Island signe en effet une première réalisation ambitieuse qui laisse augurer du meilleur pour l'avenir.