Funny Valentine
7.5
Funny Valentine

Album de Massacre (1998)

Massacre – Funny Valentine (1998)


Dix-huit années après la déflagration du premier album voilà que sort le second projet de la formation sur le label Tzadik, c’est sûr John Zorn a le nez fin et il ne peut qu’accepter d’enregistrer de tels phénomènes. Dans le petit texte de présentation sur le « obi » il est écrit : « Un document important de rock improvisé, ici à son meilleur » ! Il est paru dans la « Key Series », celle réservée aux albums importants de la scène de l’avant-garde musicale.


Un changement cependant, le batteur Fred Maher a laissé la place au britannique Charles Hayward, on retrouve évidemment Fred Frith à la guitare et Bill Laswell à la basse. Le son de ce dernier est énorme et les deux premières pièces de l’album paraîtront presque ordinaires pour ceux qui gardent à l’oreille la trajectoire révolutionnaire du premier album.


Certes, l’entrée en matière peut sembler conventionnelle, bien que parfaitement réussie, on remarque également que la durée des titres est assez différente du premier album, qui avançait à coup de petites pièces nerveuses, étonnantes et bien enquillées. "Down To Five A Day" est déjà en tension, mais il faut attendre la troisième pièce pour partir vraiment à l’aventure, « Lizard-Skin Junk-Mail » est improvisée autour de la basse de Bill qui développe un groove répétitif qu’épouse Charles Hayward tandis que Fred Frith tourne autour de la basse de façon tortueuse en multipliant les effets, tel un shaman qui jette ses sorts.


« Ladder » s’exprime aussi dans la durée, plus de onze minutes de créativité pure, le groove est toujours là, et c’est à nouveau Fred qui balance les flèches, grince et couine. Charles Hayward est précieux, quand il suit un chemin, il sait déjà qu’il faudra en changer, chacun possède le pouvoir de choisir une direction nouvelle qui réoriente l’ensemble du trio, la pièce se transforme petit à petit vers quelque chose d’atmosphérique, bien qu’elle connaisse une conclusion bien carrée par la grâce dudit Charles.


La route de l’album est ainsi balisée, des références rythmiques rock très marquées, qui font place à une musique plus aérienne et vaporeuse, on conserve ici ou là, l’idée des changements de direction inopinés, en ce sens on peut parler de musique angulaire, bien que la longueur des pièces se prête moins à cet effet que sur « Killing Time ».


Et Fred Frith, le magicien de la guitare et de la musique RIO avance tel un sorcier, toujours surprenant et tellement juste qu’il tient tout cette architecture au bout de sa guitare, chacun est un pilier ici, qui avance avec les deux autres et dépend de chacun d’eux, à tout moment capable d’indiquer un tournant ou un changement de direction. On remarque le très énergique « Well-dressed Ripping Up Wood » et la dernière pièce « Further Conversations With White Arc » enluminée par la guitare de Frith.


Au titre de l’anecdote la couverture est signée de l’artiste Suisse Adolf Wölfli, disparu pendant la première moitié du siècle dernier, qui a connu une vie assez étonnante.


Sans doute un peu moins fou que le précédent album, mais un retour tout de même puissant et passionnant !

xeres
9
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le 4 janv. 2023

Critique lue 10 fois

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