In Dreams and Time
7.6
In Dreams and Time

Album de Ancestors (2012)

Le disque de l'année, et personne ne le sait.

La baffe la mandale la giffle la dérouillée la tatane le coup de latte au cul, la destruction testiculaire par impact cinétique d’un genoux très pointu, la sodomie brutale par des compagnons de cellule affectueux, le gagging à rendre pantoise Sasha Grey. Bref, le choc.
Ancestors, avec In Dreams and time, vient tout simplement d’infliger au reste une sérieuse branlée, tant cet album est hors norme, hors d’atteinte. Déjà le meilleur album de tout 2012.

Certes, la pochette n’inspire pas franchement confiance. Certes, après une première écoute, forcément circonspecte (mais enthousiaste, ami lecteur), on se dit que les pépères Los Angelais ont quand même bien du mal à se défaire de l’ombre des Floyd qui planait sur leur (excellent) album précédent ‘Of Sound Mind’, et surtout l’Ep ‘Invisible White’, où l’influence était particulièrement flagrante, et où le groupe quittait les rivages métalliques et stoner pour entrer dans un folk-rock vaporeux et progressif, tout à fait dans la lignée de ‘Wish you Were here’. D’ailleurs, nombre de fans avaient émis de nombreuses craintes quant à l’évolution du groupe vers une musique plus posée et moins saturée, alors que les californiens excellent dans le registre metallique toutes guitares dehors (‘la fin de Mother Animal’ et une borne partie de ‘the Ambrose Law sur Of sound Mind’).

Mais bordel de nom de dieu de foutre. Quel contrepied. Rien ne pouvait préparer l’auditeur à ce qu’il allait se manger en lançant la première piste, ‘Whisper’, qui débute sur un martèlement ultra lourd de riffs, sur une rythmique lente. Un géant est en marche, la voix des compères Maranga et Long, immédiatement reconnaissables, viennent se poser presque en douceur sur cette puissante locomotive.
Et une fois lancée, la loco nous envoie, en mid section, un passage aux confins du hardcore, avec pleins de breaks et de licks de gratte bien fougueux en un thème lancinant, avant de revenir à la lourdeur moite du début du morceau. Premier morceau, premier uppercut. Dans tes dents, ramasse.
Ca, c’était juste l’intro, la mise en bouche. Le meilleur reste encore à venir.
Les morceaux défilent, entre ambiant métalisée au piano et voix fémine sur le pas-si-mièvre et presque shoegaze ‘The Last Return’, le Floydien ‘Corryvreckan’ et son duel filé orgue/guitare jusqu’à un climax impressionnant, le fabuleux ‘On the Wind’, qui porte bien son nom parce qu’extrêmement planant, le dantesque ‘Running in Circles’ et sa section médiane portée par une batterie tribale et furieuse, avec même la gratte qui vient faire chugga-chugga-chugga, apparue comme cela, sur la pointe des pieds pendant que le batteur tient son truc, et que l’orgue poursuit sa course, et enfin, l’épique opus progressif (ben ouais, on les attendait aussi pour cela ) ‘First Light’, morceau mastodonte rampante de 19 minutes, qui vient faire la synthèse de l’heure qui vient de s’écouler, et qui laisse un goût de trop peu à l’auditeur. Ils se permettent même, au milieu du chaos de la fin de ce morceau, de faire intervenir les cordes pour enfoncer encore un clou émotionnel déjà bien enfoui dans les chairs.
Ancestors prend, avec ‘In Dreams And Time’, de sacrés risques : l’aspect Stoner est quasiment passé à la trappe, quelques bribes parsèment encore ça et là l’album (notamment sur on the Wind), mais les dialogues furieusements enfumés entre guitare et orgue ont disparu. L’album ne reviendra pas sur Neptune with Fire.
L’aspect progressif prégnant sur ‘Of Sound Mind’ est quant à lui plus en retrait, mieux assumé également par le groupe, qui ne le place plus devant leur musique, et n’hésitent plus à s’affranchir de ce courant pour mieux lui rendre hommage . Perdues aussi les influences tribales et Ancestors joue également à revenir à des amours doom et sludge qui peuvent décontenancer, mais y ajoutent de grosses lichées d’ambiant, une bonne pincée de metal/hardcore, une pointe de shoegaze, des solos très floydiens portés par une rythmique ultra plombée et saturée, et surtout, une confiance toute nouvelle, une assurance qu’on sent poindre tout du long de l’album, que ce soit dans les compositions bétons, les plans ultra-assurés et franchement couillu (non, sérieusement, le break de ‘Running in Circle’ et ce plan de batterie tadaboum), ou la capacité d’Ancestors à digérer et régurgiter une foule d’influences, sans jamais sombrer dans le plagiat ou le fanboyisme. On retrouve bien sûr, et toujours incarnée par l’orgue et le moog de Watkins, la patte psyché qui a imposé le groupe comme l’une des valeurs sûres (et pourtant mesestimée du public, musique de niche) du mouvement, et du label Tee Pee records, dont je ne cesserai jamais de chanter les louanges et de sacrifier quelques chèvres en leur nom.

Et si la technique est irréprochable et les influences maîtrisées au petits oignons, l’émotion n’est jamais bien loin, toujours savamment dosée avec finesse et parcimonie, qu’elle soit à vif sur On the Wind ou plus en retrait sur Corryvreckan, et c’est là tout le génie d’alchimiste du combo Los Angelais, puisqu’ils parviennent à balancer une musique à la fois musclée et couillue, cérébrale, et extrêmement émotionnelle.
On sort de ‘First Light’, le tout dernier morceau, avec la tête plus légère, et la certitude que ce groupe est l’un des combos majeurs de ces dix dernières années. Le disque met du temps à être assimilé, tant sa richesse se dévoile au fil des écoutes, petit à petit. Ancestors est une femme charmeuse.

Disque de l’année en ce qui me concerne, et l’un des meilleurs albums qu’il m’ait été donné d’écouter.
A mettre à côté d’ ‘Ok Computer’, de ‘Jane Doe’, de ‘Lateralus’ et de ‘Red’, pas moins.
eukaryot
9
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le 15 oct. 2012

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eukaryot

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