Idris Muhammad, Ray Drummond, George Coleman, Pharoah Sanders – Kabsha (1980)
Suite à la déconvenue de l'album "Love Will Find A Way" de Pharoah Sanders, nous verrons bien si ce pas de côté est unique et passager, où bien un tournant décisif sans espoir de retour…
Justement, une occasion s’offre de rejoindre le batteur Idris Muhammad pour une participation à l’album « Kabsha » qui sortira en mille neuf cent quatre-vingts sur Theresa Records. Sur le premier titre « CGCG Blues » il partage le ténor avec George Coleman, ce dernier est l’auteur de la compo et dresse les lignes d’une pièce hard bop sympathique mais sans véritable personnalité forte.
Sur les deux titres suivants en trio, Pharoah plante sa marque avec autorité. Avec Idris, et Pharoah, c’est le bassiste Ray Drummond qui tient le dernier pôle avec sa basse. « Soulful Drum » est une reprise de Jack Mc Duff, et en quelques secondes, la magie renaît, le saxophoniste nous embarque bien, le temps d’un feulement, unique, qui exprime tant. L’effet se répète, ce timbre si personnel, celui du vieux lion qui rugit, surgit à nouveau et marque ce titre d’une patte inoubliable, comme s’il s’agissait enfin du retour.
« ST.M » de Bill Fisher est le dernier titre de la face, toujours à trois, rythmique solide sur laquelle Pharoah plante le thème et déploie l’impro, le timbre toujours à la limite du déchirement, sans dépasser la ligne, mais, petit à petit, on sent le sax déraper un peu, s’offrir ici ou là un glissement, le temps d’affirmer l’identité. Certes, on reste dans les limites autorisées, car Pharoah est courtois : il est ici en qualité d’invité !
« Kashba » qui ouvre la seconde face et offre son titre à l’album est dédié à la fille cadette de Muhammad. Le titre se joue sans Pharoah, mais avec le retour de George Coleman, toujours en trio. La pièce est agréable mais sans véritables aspérités, l’occasion d’admirer cet autre saxophoniste passionnant, Coleman au jeu classique, sûr et passionnant dans un cadre post bop de bon aloi.
« I Want To Talk About You » marque le retour de Pharoah, un standard de Billy Eckstine qui restera peut-être la pièce la plus mémorable de cet album, qui tient décidément bien la route, en compagnie de « Soulful Drums », même si Pharoah a tourné le dos à ses marottes anciennes. Le titre se déploie dans un certain académisme que Pharoah met à mal avec cette sonorité glissante, au bord du cri et de l’arrachement.
Oui, Pharoah est toujours là, on l’entend bien ici, le temps de quelques titres qui redonnent espoir. La dernière pièce « Little Feet » offre à George Coleman un nouveau tremplin pour son saxophone au timbre plus classique, toujours assuré et bien en place…