Richard Pinhas And Merzbow – Keio Line (2008)
Voilà une rencontre à la fois étonnante et même excitante, chacun des deux participants est une légende en soi, deux figures de la musique underground qui se réunirent lors d’un concert à Tokyo, en deux mille sept, ce concert et ce qui s’y passa n’a pas été enregistré, mais un lien s’établit qui se concrétisa alors qu’ils étaient ensemble, sur la « Keio Inokashira line » ligne de métro Tokyoïte, ils décidèrent alors d’un enregistrement en studio, les vingt-cinq et vingt-six octobre, au « Peace Music Studio ».
Merzbow, aka Masami Akita, c’est l’apôtre de la Noise japonaise et même mondiale, c’est le « bruit et la fureur » cette image lui va bien, et pourtant ici, bien non, pas vraiment, il faut croire que la rencontre avec Richard Pinhas a su faire émerger une nouvelle facette, et pourtant, Richard n’est pas non plus un « cool », l’agressivité il connaît lui aussi !
Disons que rien ne se passe comme prévu, ou plutôt comme un gars simple comme moi aurait cru, Merzbow joue de son synthé, un EMS synthi A ainsi que de tous les "bruits", Richard de sa guitare et des Loops. Point de déluge sonore ni de barouf, aucun, à la place une musique pleine de quiétude et de sérénité. Parfois on semble baigner dans un univers krautrock non identifié.
Il faut dire que l’album est long, plus d’une heure cinquante, le temps est d’importance, il laisse la place aux impros, à l’écoute, à la plus fine des collaborations, une sorte d’osmose qui s’opère, on ne sait qui joue quoi, même si l’on devine de temps en temps, le plus souvent on n’y prend garde, car la musique semble venir d’une seule source. Les deux sont à l’origine d’un monde sonore qui trouve, sur le premier Cd, son aboutissement sur le magnifique « Shibuya AKS » qui conclut la suite « Tokyo Electric Guerilla » et « Ikebukuro : Tout Le Monde Descend ».
Je dois dire que ce qui se passe à l’écoute de cet album est assez étonnant, il possède un pouvoir apaisant, en même temps qu’il vous happe en vous libérant des contraintes usuelles, difficile en effet de ne pas être cent pour cent branché sur la musique et les effets sonores, même quand l’étape de la musique contemplative s’achève, lorsqu’elle butte sur « Chaos Line », qui envoie des tempêtes et de la tension.
Mais les messages envoyés via les titres ne sont pas tendres, « Kills Animal Killers » qui ouvre le second Cd, « Fuck The Power (and Fuck Global Players) » qui le termine, et, à l’intérieur du livret, cette maxime : « Stop consumption ! Stop Killing Animal ! Ni Dieu ni Maître ! », sur ce dernier slogan on reconnaît la patte de Richard qui convoque la devise de l’anarchie…
Cette collaboration entre les deux musiciens ne restera pas sans suite, on notera « Metal/Crystal » toujours en deux mille huit et « Rhizome » en deux mille onze. Il faut noter également que cet album bénéficie d’une parution en vinyle, il en faut trois pour tout caser.