Episode 1 ici : https://www.senscritique.com/album/sleep_dirt/critique/267034691
Episode 2 ici : https://www.senscritique.com/livre/Le_Club_des_hachichins/critique/278869060
Suite épisode 4 ici :
https://www.senscritique.com/morceau/epitaph/critique/289182432
Numbère truie comme dirait l'innommable Béru !!!
Le lendemain matin, Phil, en prévision de la soirée du weekend à venir avait prévu de se lever un peu tôt…Enfin, disons moins tard que d’hab pour aller faire du sport. Eliminer avant la probable biture saupoudrée d’ « Infected Mushrooms » de « Saturday Night Catacombs » ! Goûter à tout et rester fort ! Programme simple constitué de deux entrainements. Matin deux heures de « muscu ». Un peu de rameur style vingt minutes pour se chauffer et ne pas négliger le cardio puis exercices constitués par une centaine de tractions lesté à 5 kg par séries de 10 entrecoupées de séries d’abdos qui sont la racine d’un corps sain, une centaine de développé couché pour finir et ainsi renforcer les pecs, aiguiser la faim juste avant le midi. Bien sûr aller et retour à la salle pas très loin en trottinant…Costaud et mobile autre adage qui caractérisait Phil. Le soir entrainement rugby avec les aminches puis repas au bar du club chez « Pierrot ». Saucisson, tripoux pommes dauphine ou poulet basquaise, vin rouge, limonade, claquos. Le rêve ! Le réveil sonna donc à 9 heures, une fois, deux fois mais il est parfois difficile de se conformer à des décisions difficiles. Les bonnes résolutions fondent vite quand on est seul à la maison ; les vieux étaient coincés au turbin ; avec une petite qui dort dans tes bras et qu’on respire sa douce fragrance, le parfum subtil de la peau nue, arôme de félicité. Phil attrapa le réveil pour lui clouer le bec puis plongea son visage dans les cheveux châtaigne aux reflets brillants de Clara. Etalés sur l’oreiller ils formaient la plus belle des toiles abstraites qu’aucun peintre n’a pu rendre. Phil repoussa en douceur la couverture pour contempler le corps de sa fiancée du moment. Clara remua lentement se prêtant avec cette délicatesse féminine merveilleuse de la fausse ingénue à la caresse amoureuse du regard éperdu du jeune homme. Un soleil frais de début septembre perçait à travers les rideaux crémeux et illuminait de minuscules paillettes dorées les corps alanguis. Tout était courbes divines, ondulations vertigineuses. Arrondi béni du cou parsemé de fin duvet, creux adorable des omoplates fragiles, cambrure délicieuse de la chute de rein ou la main se pose inlassablement, galbe lisse et doux des blanches collines nacrées à la peau légèrement hérissée par le frais de la chambre comme saupoudrée par un sucre très fin…délectable, les cuisses d’albâtre fermes et légèrement rosées, la fosse poplité au losange marqué où l’on distinguait à travers la peau une petite rivière de sang, les jambes oblongues et là-bas tout au bout passée la barrière des chevilles si bien affinées, dessinées, les pieds menus et délicieux où s’épanouissaient les orteils rondis tels de petits pétales diaphanes. La femme est un paysage sans fin, insondable, merveilleux et dangereux dans lequel l’esprit du jeune homme fondait, se liquéfiait…une pierre de lave.
Appuyé sur un coude Phil tremblait non pas de froid mais plutôt d’une sorte de bonheur simple et puissant. Avec candeur il dit :
- Tourne toi mon amour !
Un avatar littéraire est une bénédiction pour quiconque ne sait pas quand et comment dire ce qu’il n’a pas pu ou su dans le cours de sa vie. Les personnages respirent, transpirent, pleurent, rient…Ils prennent vie. Les regrets sont oubliés les mots coulent, réfléchis et sensés. Point de grands discours, de circonvolutions verbeuses juste deux ou trois mots qui tombent au bon moment comme la cognée sur le tronc et qui procurent une extase fugace mais nécessaire.
Clara vibra imperceptiblement puis pivota lentement, avec langueur, les yeux mi-clos, toujours brouillés de sommeil. Elle inondait le temps de sa présence en flamboyant dans les pupilles de son amant. Elle découpait l’espace, le tranchait et gommait tout ce qui n’était pas elle. Iels étaient bien et seul le moment présent comptait. La chambre était une petite île sur laquelle les vagues environnantes de l’océan sombre des tracas venait se briser, un havre.
Le côté face se dévoilait, Clara releva les bras. Phil rejeta la couverture sur le sol de la chambre et posa sa main sur le ventre tendu qui palpitait.
Le téléphone sonna ! Une sonnerie énervée qui vous fait retomber, une sonnerie qui ne s’arrêtait pas et faisait trembler les tympans. Clara attrapa le drap, se couvrit et enfouit sa tête sous l’oreiller protecteur. Le charme était rompu…pour l’instant.
Phil nu comme au premier jour, les biscotos en bandoulière se leva évitant les vêtements posés à même le sol et fondit sur le téléphone.
- Yo Phil, comment va, c’est Mush !
- Ouais ouais ça va, kes tu veux man ? c'est vachte tôt, là !
- Putain mon gars j’suis dans la merde. Tu sais pour la soirée de samedi, je dois préparer mes champis mais le problème c’est que la recette, la décoction, la préparation, la misssture c’que tu veux doit se faire un soir de pleine Lune et la pleine Lune, la nom de Dieu de pleine Lune c’est samediiii ! J’suis perdu, c’est mort !
- L’est pas là l’Epi ?
- Non il est parti tôt c’matin, j’sais pas c’qui trafique ces temps-ci, j’suis dans la panade là, ça m’a foutu la diarrhée c't'affure, tu t’rends compte !
- Hahaha, t’es trop ! Allez mollo, l’ami, combien de temps i’t’faut pour ta cuistance ?
- Sais pas trop le bouquin étrange que j’ai dégotté est vraiment trouble, bizarre, au moins trois heures en préparant tout avant. C’est la remde Man, la grosse embrouille, la tambouille est à l’eau j’te dis !
- Détente, détente, garçon ! A quelle heure tu dois livrer ?
- Vers 19h. Fuck de fuck, c’est trop con et puis ces champis que j’ai dégotté, j’les connais pas, j’ai que c’bouquin maudit pour les accommoder et ça à l’air vraiment coton, pour l’instant, j’y pige que pouik, il a l'air maléfique !…
Phil plongea en lui-même, sa réflexion était intense. Il avait cette capacité à s’abstraire quasi immédiatement de son environnement pour gamberger. Ce n’était pas parce qu’il était un sportif amoureux de l’extase des mouvements et de la fatigue bienfaisante qu’il était con ou stupide. Il avait toujours été marqué par cet adage de son prof de menuiserie Mr Bomppart qu’on appelait « œuf course » Bonbon ! « Un manuel c’est un intellectuel qui agit ! » Cet homme l’avait marqué, c’était un des rares profs avec le vieux Schnerg prof d’histoire à l’apparence un rien craspec, rondouillard et déguenillé dont il buvait les paroles. Les maîtres au sens nobles du terme ne sont pas forcément tout en haut d’une l’échelle ou inaccessibles. Si l’on se donne la peine d’écouter on peut en découvrir alors autour de soi et souvent parmi les plus silencieux, les plus irrévérencieux ou jamais. Au loin dans la brume des pensées Phil percevait au bout du fil la voix inquiète de son pote qui continuait à seriner, à marmonner. Autour la chambre flottait, la fille respirait, la lumière s’estompait, les sons déclinaient. Au terme d’une brève concentration Phil mordit à nouveau dans le combiné.
- Ecoute Man, voilà c’qu’on va faire. Pour ta préparation ne t’en fais pas. Nous avons un décalage de deux heures avec le Soleil. Nous allons donc livrer avant Minuit. Nous préparerons les champipis à 10h heures...de ta montre mais minuit solaire, capito ? Pour ce qui est de décaler la livraison de 19h à plus tard je m’en charge. Tu vas m’filer le tel de Frankie la queer ou un moyen de la contacter et je me charge de l’embrouiller. Je vais lui faire une proposition qu’elle ne pourra pas refuser ! Ta recette mon gars je m’en vais l’améliorer à la façon Philibert, j’ai une ch’tite idée.
- Putain dizi Phil, dizi, c’est quoi ton idée, bordel à cul ?
- Ok man, j’y go ! Nous allons incorporer ta recette dans des chawarmas et livrer à minuit l’heure du crime, l’heure des sorcières, l’heure de l'horreur et pour que ce soit canon…attends j’phosphore dur là, pour que ce soit canon, en phase avec l’ambiance catacombe et l’heure maudite nos chawarmas i’s’ront noirs ! Oui ça y est, ça baigne : des Blacks Shawarmas …Tellement sulfureux…Nous dirons que cette cuistance, cette préparation provient d’une légende des temps antiques, quand les fidèles adoraient le grand Pazuzu !
A l’autre bout du fil en larmes, Mush tonitrua :
- Putain Philibert t’es un génie, tainpuu, quand je t’aime comme ça j’ai envie de t’appeler Philibert, tu m’scies, ouais, ouais, ouais, ouais, ouais, c’est oufissime, ça tient la route ! Tiens tout de suite le numéro de Frankie, t’as de quoi noter ?
Numéro donné Philibert reprit sur un ton enjoué, farceur :
- Hahaha et attends j’ai pas fini ! Quand on amènera les biscuits enfin la bouftance je pense vers les 23h30, i’nous faudra un prêtre, un officiant, un séide dévoué au grand Pazuzu et perso j’verrai bien Epi endosser la soutane, si on arrive à lui faire lâcher son manteau, pour des présentations en musique ! Donc toi Mush, de ton côté tu t’concentres, tu ne penses qu’à une chose ta préparation.
- Ok, Phil, ok, j’vais l’dépouiller c’bouquin, i’m’fait un peu peur mais j’vais l’dépouiller et concocter ma meilleure préparation ultime…en hommage donc au grand Pazuzu…C’est qui d’ailleurs çui là ?
- Laisse ça d’côté pour le moment et si tu veux j’passerai vous voir ce soir, la journée peux pas j’ai du taf, parce que j’aimerais bien jeter un œil à ton bouquin maléfique ça m’intéresse et j’vous filerai des infos à tous les deux sur Pazuzu mais kèk chose me dit qu’Epi doit connaitre. Je pense qu’il est bien plus cultivé qu’il n’en a l’air. Commence à le tuyauter pour qu’il se mette dans la peau de son personnage de curé maudit !
Sur le lit Clara se posa sur ses coudes, ses seins et son ventre soyeux resplendissaient sous les rayons diffus qui crevaient l’espace gris bleu de la chambre en désordre et ses yeux étincelaient.
- Bon Mush, c’est cool là, mais tu vois j’ai du lait sur le feu, i’faut qu’j’m’en occupe !
- Héhé sacré Phil, une peau laiteuse tu veux dire et c’est quelle marque ton lait, « Belle des champs » ?…T’as raison ça peut pas attendre. Ouais, ouais, ouais, ouais, ouais, allez à ce soir, gamin !
Il était 9h30, Phil était toujours dans les temps pour son entrainement matinal.
- Ma poupée, je dois y aller, j’vais à la salle de muscu !
- Bien sur mon Philou mais viens voir ici, j’me charge de ton échauffement !
Encore une journée fabuleuse avec une bonne sieste et un bon film à mater l'aprem histoire de récupérer un chouia avant l'entraînement. C’est un rien fourbu que Phil sortit du stade vers 18h45. Fractio, entrainement avec le pack, stratégie avec Bouli l’entraineur des avants. Pour un troisième ligne aile comme lui cela pouvait être éreintant de redoubler les centres en travaillant ses appuis, ses crochets, ses raffuts et bien sûr plaquer, plaquer, plaquer, mais quel plaisir après l’effort de prendre la douche à poil avec tous les potes. Ensuite grosse tablée chez Pierrot pour reprendre des forces et direction chez Epi pour planifier et mettre en place la Bomba en las catacumbas ! A 21h 30 pétantes il était dans la place.
Taph ou Epi ou Epitaph et son frérot Mush ou Mushroom créchaient dans une zone un peu sordido à l’Ouest de Paname dans une kasbah plutôt vieillote mais cossu rejetée au fond d'une cour herbeuse que sa mère grand leur avait léguée. Le loup l’avait becqueté, Phil ne savait pas. Ça sentait le kebab fatigué, la frite samouraï mais aussi un peu la pisse dans la rue des « Blues Brothers » comme aimait à les chambrer Phil. En face de la bicoque de la défunte vioque, paix à son âme, un vieil entrepôt désaffecté à l’exclusion des quelques squatters ou hobos de toutes ethnies qui l’avaient investi puis de chaque côté deux immeubles des fifties éreintés à la peinture émiettée et aux balcons surchargés. Sur le bitume de la street hors du pitit jardin des frangins qui veillaient au grain les rats circulaient à la cool passant d’une poubelle à une autre. Enfin le jour ils se faisaient discrets mais la nuit aguichés par les odeurs de viande pourries rejetées par les deux fast food de la rue dont le fameux kebbab ils s’en donnaient à cœur joie courant d’une poubelle savamment débordante vers une autre à moitié crevée…Un paradis populaire ou face cachée ou antithèse du Paris « ville Lumière quelle foutaise » comme disait parfois les frérots. En tout cas la maison était choucarde, accueillante avec des turnes aux murs placardés d’affiches de groupes rock et on y avait fait de belles fêtes. Le top c’est quand on arrivait à détourner Epi de la stéréo car il ne passait que du Z, Zappa Franck entendons-nous chers lecteurs, du Z, du Z, du Z, Fuck ! Cela dit une ziq puissante quand on était vapé à l’alcool fort. Sur la ziq Mush était plus tranquille surtout s’il avait un pétard en pogne…plus rien ne le turlupinait et il te baragouinait alors des calembredaines éculées pendant des plombes. Il était un peu flambé sur les bords et quand il était fait partait dans des délires érotomanes où toutes les gonzesses le mataient et souhaitaient certainement l’emmener dans sa piaule pour découvrir sa collec de vinyles. Les BB ou Blues brothers étaient toujours emmurés dans leurs grands manteaux qui pendouillaient sur leurs genoux cagneux because culottes courtes plus manteaux en été, la classe ! C’était des cow boys du wild west de Pantruche. Ils ne cachaient d’ailleurs pas du tout leur amour pour le western « Il était une fois dans l’Ouest » où les héros étaient vêtus de cache poussière tout en cuir glissant élégamment sur leurs éperons brillants. Epi était un peu cinglé aussi, un érudit loufoque frappadingo, il citait très souvent ce film d’une voix grinçante :
- "J'ai vu trois de ces cache-poussière tout à l'heure, ils attendaient un train. Il y avait trois hommes à l'intérieur des cache-poussière.
- Alors ?
- Alors, à l'intérieur des hommes, il y avait trois balles, Hahaha c’est pas génial ça, nom d’une bite ! »
On peut donc dire qu’ils étaient favorisés pour des types qui n’avaient pas trente ans et ils ne paraissaient pas souffrir d’une astreinte au travail car ils étaient très souvent chez eux avec un frigo plein qu’ils partageaient avec les copaines dans la mouise. C’était des bons gars et cette pensée tournait dans la bobinette de Philibert quand il cogna à l’huis des esplendido !