Après Floating While Dreaming, Pell s’attaque à un vrai album, dans les règles de l’art. LIMBO, c’est un exercice attendu, par les fans, mais aussi par tout le monde du Hip Hop sur un garçon pétri de talent.
Pell, pour ceux qui ne connaîtraient pas, est un jeune rappeur issu de la Nouvelle-Orléans. Rapidement remarqué par les médias spécialisés américains, notamment par le magazine XXL, le garçon enchaîne les sorties sur SoundCloud jusqu’à un Floating While Dreaming bon mais tellement inégal. Après quelques semaines de concentration sur le travail, le voici avec LIMBO, un 10 titres toutefois court – seulement 35 minutes. Mérite-t-il sa dénomination majuscule ?
De la même manière que Floating While Dreaming, LIMBO commence fort, et joyeux. Il ne faut pas se fier à la traduction littérale peu joyeuse de « Monday Morning ». L’ouverture de l’album est un vrai titre feel-good, un exercice de style presque parfait, si ce n’est ce vilain synthétiseur crado en milieu de morceau. On pardonne. Parce qu’au fond, Pell vient de se définir. Un artiste entre la Trap et le Trip-Hop – oserait-on lui inventer un « Trap-Hop » rien que pour lui ? Un style rien qu’à lui, donc, à tel point que l’album ne présente aucun featuring. Égoïste.
Pourtant, n’allez pas croire que Pell s’invente un style pour pallier d’autres lacunes. Des exercices 100 % Hip Hop, il s’en crée, et il y excelle. La preuve avec « ’93 Supreme » ou son charisme fait mouche, ainsi que les deux titres qui closent LIMBO, « Incomplete » et « Sandlot ». Là, plutôt que de se laisser dépasser par une volonté d’originalité exacerbée, il assure le taf et pose, sûrement mieux que 90% de sa génération. Pour les non-initiés, autant commencer par ces morceaux. Le reste est plus barré, pour le meilleur, et pour le pire.
ENTRE MAJUSCULE ET MINUSCULE
Pour bien comprendre la versatilité voulue par Pell, il suffit de voir comment s’enchaînent « Café du Monde », le petit délire électro qui avait été un des premiers extraits à fuiter avant la sortie de l’album, et « Queso », où l’exotisme naît de l’influence de son enfance à la Nouvelle-Orléans – même s’il n’y vit plus depuis l’ouragan Katrina. Des morceaux où l’originalité du son prend un peu le pas sur le flow du rappeur, malheureusement.
Et ce n’est pas fini. La foudre expérimentale s’abat sur « Confession ». Un titre déstructuré, avec un mélange piano et basse un peu déglingué, aux voix hantées comme dans un film de Guillermo Del Toro. Le résultat n’est pas franchement dingue, manque de liant, de structure, de constance. Heureusement, le titre suivant, « The Wild », reprend les mêmes structures mais s’épure un peu dans sa forme. Une légèreté retrouvée qui fait du bien.
Pell, c’est aussi un rappeur qui a trouvé sa vocation, comme beaucoup d’autres de sa génération, inspiré par Kanye West. Alors, « Vanilla Sky 2.0 » ne se prête pas à Big K.R.I.T., mais bien à Yeezus. Revendication, énergie, inspiration presque sectaire : tout y est. Pourtant, il y a encore trop de respect dans l’hommage. Pell cherche peut être à faire trop vite, trop tôt. Si les inspirations sont claires et louables dans LIMBO, elles sont encore brouillonnes par moment. Toutefois, lorsqu’il se rompt à des exercices plus modestes, il prouve à toute sa génération qu’elle ne lui doit absolument rien, et que son talent est énorme. Finalement, il faudra attendre un troisième album pour atteindre le rythme de croisière. Très bien, mais notre patience a des limites.
COEFFICIENT HYPE : BON
Publié sur Hypesoul.com